Que des débris et du charbon. Un paysage macabre s’offrait à lui, les meubles renversés, les vêtements maculés de poussière ou déchirés, les deux le plus souvent, les tableaux lacérés de toute part dont on ne parvenait même plus à reconnaître ce qu’ils étaient autrefois, toute trace d’impressionnisme ayant disparu de leur pénible carcasse dont les cadres avaient été arrachés pour être fondus. Le lit avait changé de place, jadis en haut de l’escalier, désormais au rez de chaussée, ainsi que tout ce qui appartenait à l’étage d’ailleurs, ce dernier ayant disparu avec les murs et le toit. Tout s’était effondré et Ludwig trônait là, seul héritier et roi d’un champ de ruine et de désolation. Un désastre à échelle matérielle, pensa-t-il au premier regard mais les rats, l’odeur pestilentielle et les os rongés qu’il trouva là où devait se trouver la remise peinaient à laisser plus de place au doute qu’il ne retrouverait jamais les Hommes qu’il a connu dans son autre vie. Son 6ème sens accordé par les mutagènes lui permit de trouver une vieille broche parmi les décombres, portée par sa mère dont il ne se souvenait plus du nom. Il la laissa où il l’avait trouvé, résolu à ne pas regarder en arrière, son passé ne l’importait plus maintenant. Ce qui lui fit le plus de peine fut la cabane de l’arrière-cour. Entièrement calcinée, les cages brûlées et entièrement vidées. Les animaux ne pouvaient qu’avoir fui ou péri dans l’incendie, il n’en restait plus aucun. Ses parents avaient passé tellement de leur temps à s’en occuper, en prendre soin, les étudier, les dresser… Tout ce temps, balayé en une nuit.

Lan Exeter était devenue une importante et riche ville portuaire en quelques années. D’abord un village mineur en rase campagne bordé par les flots, il s’était vite imposé comme une ville incontournable du Kovir et cela grâce aux parents de Ludwig notamment. Riches marchands étrangers venus de Rédanie ayant vu le potentiel de ce village, ils ont entamé un programme d’expansion coûteux afin que la ville exploite son avantage considérable : Sa proximité avec la rivière Targo. Devenus riches et célèbres au sein de la communauté, les habitants les remercièrent de diverses récoltes, biens et d’une habitation prestigieuse au sein de la ville, la seule maison uniquement entourée par la rivière, sans voisins et accessible uniquement par voie maritime, une véritable île. La dynastie qui régnait leur a même accordé le droit de porter le nom de la ville, ainsi créant le nom de famille Van Exeter. Les Van Exeter vivaient une vie aisée au sein du port, leur position en son sein leur facilita le commerce avec les régions du monde tandis que leur considérable demeure leur permit de s’adonner à leur passion vouée aux créatures des 4 coins du continent. Les parents de Ludwig pouvaient être considérés comme des chercheurs tellement ils étaient férus de science. Ils exécutaient toutes sortes de prélèvements, d’expériences sur les animaux afin de les étudier et d’en faire une analyse constructive. Le venin de manticore, les crocs acérés des tigres d’Ofir, les crochets des endriagues… Un nombre incalculable de recherches extrêmement studieuses afin de réaliser le bestiaire le plus complet que le continent n’ait jamais connu.
Un jour, les parents de Ludwig partirent en expédition une semaine dans les montagnes de Kovir. Ils en revinrent avec des cendres encore rouges, comme si un feu y restait perpétuellement allumé. Ludwig, âgé de 4 ans à l’époque, était fasciné par cette curieuse découverte mais ses parents restèrent mystérieux quant à son origine. Durant des jours, des semaines, ils s’enfermèrent dans la cabane de l’arrière-cour pour étudier ces fameuses cendres pendant que Ludwig était gardé par les majordomes. Les années passèrent et la ville prospérait de plus en plus. Kovir rayonnait plus que jamais dans les terres du Nord et l’influence de la famille royale se faisait ressentir considérablement. Mais la jalousie des hommes ne connaissait ni limite ni honneur. La dynastie qui suivit celle qui avait adoubée les Van Exeter ne percevait pas les choses de la même façon que sa prédécesseure. La nuit des 6 ans de Ludwig, un incendie accidentel prit son origine au rez de chaussée de la bâtisse et se propagea très rapidement. Le jeune garçon fut réveillé par un majordome qui lui ordonna de s’enfuir par l’escalier menant à l’arrière-cour. Il courut du mieux qu’il put pour sortir dehors et une fois à l’extérieur, il jeta un dernier regard à sa maison en proie aux flammes. Réalisant que personne ne le suivait, il rebroussa chemin pour légèrement entrouvrir la porte de sa maison et vit des gerbes de flammes émaner d’une main tendue dont il n’arrivait pas à apercevoir le corps, caché derrière un mur. Un des majordomes criait au secours de l’escalier et la main se dirigea vers lui afin de continuer son sinistre dessein. Ludwig, pris d’effroi, se retrouva tétanisé lorsqu’une main se posa doucement sur son épaule. Une voix d’homme très grave retentit alors et lui dit :

« Tu devrais partir, petit. Les environs ne sont pas sûrs ici, un bateau t’attend de l’autre côté du mur, je te conseille de t’enfuir par le trou que j’ai formé »

Ludwig n’a plus aucun souvenir de la morphologie de l’homme lui ayant parlé mais il se rappelle qu’il est entré dans la maison sans jamais en sortir après. Toujours est-il que le garçon suivit ses instructions et rejoignit la péniche sur la rivière, où se trouvaient déjà plusieurs hommes encagoulés. Ludwig avait peur mais c’était sa seule solution, Lan Exeter étant construit autour de la rivière, il n’y avait pas de rues, juste des passages fluviaux et la nuit était tombée depuis bien trop longtemps pour qu’il n’y ait d’autres embarcations. Ses souvenirs se mélangent après ça. Son arrivée à Novigrad, le sac qu’on lui a mis sur la tête alors qu’il n’était encore qu’un enfant égaré et effrayé, l’enchaînement sur ce qui semblait être une table mais surtout la torture qu’on lui a infligé qui avait duré des heures. Ludwig s’était vu mourir plusieurs fois ce jour-là. La douleur ne partait plus. Elle s’était incrustée dans sa chair comme une marque au fer rouge, une trace indélébile qui avait fait son chemin jusque dans sa tête pour ne jamais cesser de le tourmenter, de jour comme de nuit. Cette nuit l’avait blessé à jamais, physiquement comme mentalement.

Et pourtant le voilà ici, à chercher un passé qui ne l’avait pourtant jamais quitté. 17 ans après, Ludwig revint sur la terre calcinée que fut sa première maison. Rien ou tout avait changé. Personne n’avait reconstruit sur l’île, abandonnée par la ville sur ordre de la royauté. Le nom Van Exeter avait été rayé de tous les livres d’histoire afin que seuls perdurent les noms de ceux réellement au pouvoir. L’influence était bien trop précieuse pour être partagée à ceux qui ne la poursuivaient pas. Laissée en l’état, l’île faisait peine à voir, comme une pustule au milieu d’une ville florissante. Dans la cabane, Ludwig fouilla tant bien que mal pour essayer de trouver des traces d’animaux mais elles s’arrêtaient toutes au niveau des cages. Il n’y avait plus rien à sauver se résolut-t-il à penser. Mais lorsque ses yeux se détournèrent de la pièce, il fut arrêté par ce qui lui paraissait être des braises parmi les poutres affaissées. Il se pencha pour les toucher et vit des cendres, rougeoyantes. Ludwig les prit dans ses mains et regagna le jardin de la cour. Même après toutes ces années, il pouvait reconnaître ce qu’il avait toujours convoité. Il faisait nuit dehors, le jeune homme ne voulait pas qu’on le voit rejoindre l’île bannie. L’éclat de la lune sur les cendres les fit rayonner de milles feux. Le jeune homme était émerveillé par une telle beauté, elles dégageaient une aura irréelle. Quand soudain, une tête emplumée sortit sa tête des mains de Ludwig. Bientôt ce furent des ailes, puis des pattes et même un corps entier gigantesque se mit à s’envoler pour regagner le sol. Ludwig n’en croyait pas ses yeux. Il était pétrifié à la vue d’un tel miracle, c’était la première fois qu’il voyait un phénix. On lui avait souvent raconté des légendes comme quoi il existait loin, très haut dans les montagnes des créatures mythologiques mais il n’en avait jamais vu réellement. L’oiseau de flammes était d’un rouge flamboyant, avec des éclats jaunes sur les plumes, gigantesque. Il regardait l’humain devant lui avec intérêt, sans crainte. Il avait sans doute été apprivoisé, habitué à l’homme grâce aux parents de Ludwig. Ce dernier approcha sa main du phénix, à pas feutrés. Il se rapprocha doucement jusqu’à toucher son bec et le caressa.

« Je te nomme Deith ».

Ludwig est extrêmement caractériel. Il peut exploser de rage à tout moment et se mettre à détruire tout ce qui l’entoure, verbalement ou physiquement. Les mutagènes n’ont pas amélioré cet aspect de sa personnalité, à cause d’eux et de la douloureuse expérience que fut l’injection, une partie de sa santé mentale a été emportée. Dans la journée, il peut lui arriver des colères redoutables, ce qui le rend imprévisible. Lorsqu’il est question de combat, Ludwig est téméraire, il aime se jeter à corps perdu dans la mêlée et profiter de ses capacités surhumaines pour se moquer gentiment de son adversaire et le provoquer. Mais au contraire, lorsque le temps est à la discussion, son tempérament est calme, posé, drôle et parfois même séducteur. Il est très diplomate et parle avant d’agir mais si on le provoque, il ne répond plus de rien. Dans la vie quotidienne, il est un homme charmant, sympathique et prévoyant, agréable dans ses relations, il ne doit juste pas être poussé à bout. Tout ça se détériore lorsqu’il est en proie à ses accès de violence, il ne distingue plus du tout le bien du mal ni les amis des ennemis.

En mission, Ludwig est froid et méthodique. Tout ce qu’il dit et fait est calculé à l’avance, son humour, son ton enjôleur, tout a un but précis. Il ne dit rien de plus que ce qu’il n’est censé dire pour mener à bien son travail. Ce qu’il fait, il le fait sans émotions, ni rancœur, ni haine, ni plaisir, c’est ce qu’on lui a ordonné de faire et il se doit de le faire, pour lui, sa famille et ses animaux, il ne pense à rien d’autre.

Ludwig n’a pas les ambitions de devenir baron de la drogue ou de prospérer dans l’empire criminel afin de se hisser au sommet, ce qu’il souhaite simplement c’est de devenir auteur à succès mais d’un seul livre, son chef d’œuvre. Il aspire à la liberté et avoir une grande maison, avec énormément d’espace.  Les humains ne l’intéressent pas énormément. Seuls ses amis font partie de son monde. S’il n’en avait pas, Ludwig préférerait passer une vie heureuse avec pour seule compagnie des créatures du monde entier. Il a trouvé chez la Salamandre l’équilibre qui lui convenait et qui le rend heureux, c’est pour cela qu’il y reste.

Son travail ne l’empêche pas d’être quelque fois altruiste. Si une trop grande injustice éclate devant ses yeux, le mutant ne pourra s’empêcher d’intervenir et d’essayer de calmer le jeu. C’est le syndrome du bon samaritain, même s’il essaye d’inspirer la crainte, il ne peut réfréner son envie d’aider.
Pour résumer, Ludwig est une personne assez endommagée par son passé. L’incendie, les mutagènes, la perte de tout modèle familial et de son lieu de naissance l’ont très fortement affecté. Il garde bonne figure et reste facile à vivre mais au fond de lui, un vide s’est formé qu’il essaye tant bien que mal à refermer grâce à sa forte connexion avec ses compagnons à fourrure ou à plumes.