Simple gamin aux parents partis bien trop tôt, Auron, qui n’avait pas ce prénom là à l’époque, fut recueilli par son oncle qui vivait à Beauclair. Les choses n’étaient pas beaucoup plus lumineuses pour lui, malgré le nom de la ville : son oncle était horrible. Impossible pour le jeune garçon de se sentir chez lui chez cet homme qui le nourrissait à peine et qui le battait quand il était ivre. Auron n’avait pas bien connu ses parents, mais il était certain qu’ils ne l’auraient pas traité ainsi. Il s’imaginait des parents affectueux, qui jouaient avec lui, qui auraient voulu de tout cœur sa présence, des parents à l’antipode de cet homme qui n’avait jamais demandé à avoir un enfant en plus à charge.
Alors il partit. Il quitta tout du jour au lendemain, et ne revint jamais chez son oncle. Il préférait encore galérer dans la rue en chippant de quoi manger, parce qu’au moins s’il se faisait frapper, il y avait une bonne raison. Le pire étant qu’il ne s’en sortait pas trop mal, la plupart du temps… Jusqu’à ses douze ans, où il fut pris en flagrant délit par un propriétaire qui ne le laissa pas repartir. Myrddin, plus attendri qu’énervé par cet enfant, préféra le prendre sous son aile plutôt que de le livrer aux autorités. Une aubaine pour Auron, une chance inouïe, tant et si bien qu’il considéra Myrddin comme son mentor, son grand frère aussi. Il prit un nouveau prénom que lui donna son improbable protecteur, Auron. Pas besoin de nom de famille particulier, alors là aussi, il voulut rendre hommage à ses parents et leur ville natale en accolant simplement ‘de Toussaint’ à son prénom.
Mais voilà, il était passé de voleur et mendiant à gamin aisé bien trop vite. Il eut droit à une éducation digne de ce nom, avec tout ce que ça comportait de choses bien chiantes. Auron évitait de se plaindre devant Myrddin, ayant peur de passer pour un enfant ingrat. Il fallut de nombreuses années avant qu’il n’arrive à formuler des choses négatives devant lui. La culpabilité d’être un poids pour l’homme était trop grande, et il lui était bien trop reconnaissant.
Le déclic se fit quand il commença à dessiner, et surtout, à jouer avec les couleurs sur les toiles. L’encourageant sans jamais faillir, Myrddin avait acheté à Auron tout ce qu’il fallait pour s’adonner à son art, sans rien attendre en retour. L’adolescent qu’Auron était s’en donner à cœur joie, et même si ses toiles étaient parfois sombres, il se sentit un peu mieux de pouvoir ainsi s’exprimer. C’est à ce moment-là qu’il commença à vraiment s’épanouir, à se sentir enfin chez lui chez Myrddin, à ne plus hésiter à y ramener ses conquêtes d’un soir… Même si c’était quand même assez rare. Ne voulant pas se faire gronder ou juger par son mentor, Auron préférait généralement découcher. Pas qu’on lui en veuille d’ailleurs.
Tout cela mena à l’adulte qu’on connaît désormais. Un Auron insouciant, joyeux, un peu arrogant parfois, mais toujours avec les meilleurs sentiments possibles.

Autrefois méfiant et farouche, le jeune homme qu'est devenu Auron se complait volontiers dans l'insouciance et la frivolité. Suivant le style de vie luxuriant de son mentor, il aime peindre toute la journée, et ne pas faire grand-chose d'autre. Malgré ses origines et son parcours de vie, il est très peu intéressé par la vie politique de Beauclair, ou par les questions d'inégalités globales, même s'il aide parfois les gamins des rues qu'il croise. Il a eu de la chance et il le sait, cela dit il ne se considère pas qualifié ou simplement assez fort pour s'engager là-dedans. Il en va de même pour tout ce qui est un peu héroïque ou demande à savoir manier une lame. Auron se dit pacifiste, préférant manier le pinceau et les émotions plutôt qu'une épée... mais c'est surtout qu'il serait bien nul avec une arme blanche dans les mains.

Et puis même. Auron n'aimait pas la violence, même quand c'était lui qui l'utilisait. Plutôt facile à vivre, il avait tendance à prendre sur lui et à culpabiliser plutôt que de se mettre en colère, ce qui le rend parfois étonnamment mélancolique. L'image qu'il veut donner de lui (et celle qu'il réussit particulièrement à mettre en avant) est celui d'un homme rayonnant, solaire, plein de joie de vivre. Mais ses œuvres sont parfois plus sombres ou dérangeantes, moins dans le sujet que dans les couleurs ou les contrastes qu'il utilise, comme si son art avait décidé d'exprimer ce qu'il se refusait à montrer par ses mots ou son attitude.

D'ailleurs, dans sa grande modestie et sa piètre estime de soi, Auron n'a toujours pas accepté d'exposer ou de vendre ses œuvres. Cela dit, de temps à autres, il se demande combien il pourrait gagner avec son seul pinceau. Et puis le pessimisme revient à la charge, et il se dit qu'il est presque certain qu'il ne pouvait vivre de son art. Autant ne pas s'exposer à une critique, qui, dans son cas, pourrait se révéler dévastatrice.