La cérémonie s’est clôturée, à nouveau, sur le soleil couchant de Toussaint, sous les cris et les exclamations de pure joie des participants, des spectateurs alors que la couronne de laurier était à nouveau posée sur la tête de l’ancien champion, l’indétrônable. La duchesse est ravie, toujours, le sourire aux lèvres alors qu’elle passe outre les déboires notables de ces derniers jours et qu’elle contemple, avec stupeur, et bonheur, que tout s’est naturellement déroulé comme prévu. Ce fut un bien bel évènement, qu’elle n’hésitera pas à refaire l’année suivante et les années encore après, pour le bonheur du jeu, pour le bonheur de ce qui semble être la joie de tout Toussaint. Son heure n’est pas encore arrivée, pense-t-elle, et ça lui ravit le cœur de voir que si peu de choses arrivent à ravir le cœur de ceux qui sont ses habitants les plus dévoués, les plus fidèles et que même ceux qui ne sont pas originaires du duché se sont accommodés parfaitement – ou presque – aux coutumes locales, aux lois et aux exigences de la tradition vertueuse. Elle est ravie de pouvoir tenir entre ses mains le plus beau tournoi de tout le continent, bien évidemment, et sa position de duchesse s’en raffermit encore plus, aujourd’hui encore. Un bonheur incommensurable, sans nul doute.

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C’est cependant dans les cuisines, dans le quartier des serviteurs que l’on en apprend le plus à propos de ce qu’il s’est passé lors du tournoi, ce que la duchesse refusera toujours d’admettre, même dans une dizaine d’années, quand tout se serra tassée et que les divers bannissements seront enfin expirés. C’est dans l’alcôve de la cuisine que découle une conversation intéressante, entre deux domestiques, une demoiselle et un homme. L’un est assis sur le rebord, à éplucher des patates, pendant que la jeune femme s’occupe de trier les carottes. « N’empêche, Dame Anna Henrietta parlera jamais des déboires du tournoi ! » s’exclame l’homme en lançant une patate épluchée dans la marmite juste à côté afin qu’elle puisse passer à la cuisson sous peu. « Tu parles des déboires du tournoi en lui-même… ? J’en ai pas vu tant que ça, enfin. Disons que ça aurait pu être pire, j’imagine. Enfin, il y a eu cette magicienne et cet homme étrange qui se sont battus à l’épée lors du tournoi d’arbalète et la mêlée qui a fini véritable bazar ambulant mais… » L’homme ricane doucement aux mots de sa compare avant de reprendre son travail au passage de la maîtresse des domestiques, mais ne tarde pas à lever les yeux vers la jeune femme. « Il y a eu de la triche au tournoi de gwynt, aussi, paraît-il. Ce ne sont que des suspicions mais bon, étrange ! » Il se tait à nouveau pour observer où se trouve la maîtresse des domestiques et une fois sûr qu’elle est suffisamment éloignée du petit groupe, il se penche légèrement vers la jeune femme. « J’ai entendu dire que deux femmes avaient couchés dans le lit de la duchesse ! SON lit, tu te rends compte, un peu ? » La jeune femme ricane doucement tout en continuant, machinalement son travail, avant de se pencher également vers le jeune homme, carotte en main. « J’ai entendu oui ! Et les 5 idiots qui se sont faits bannir du palais après s’être évadé de la prison, tu as entendu ? Paraît-il qu’ils ont fait outrage à la pudeur pendant le bal. » Les deux domestiques se mettent à rire, et c’est l’homme qui reprend, en tenant une patate entre ses doigts. « Une barde, un peintre, deux sorceleurs et un mage, regarde moi cette fine équipe ! Ceci dit, je crois bien que les deux femmes qui ont couchées dans le lit de la duchesse ont finies bannies du palais également ! » Un nouveau rire s’échappe des deux domestiques alors qu’ils vaquent à nouveau à leurs occupations, pendant quelques secondes, le temps que les autres domestiques ambulants s’échappent de leur vision. « Et les deux hommes au bal ? Tu en as entendu parler ? Paraît-il qu’ils habitent Beauclair pourtant… Mais eux aussi, bannis. » Un nouveau gloussement et une carotte de plus rangée là où elle doit l’être tandis que l’homme lance une nouvelle patate dans le récipient. « J’ai entendu oui. Paraît que les nobles étaient outrés de leur prestation… Pas étonnant cela dit, je l’aurais probablement été aussi mais bon, c’est comme les deux nanas là, incroyable de pas savoir se tenir comme ça. » Un léger rictus dégoûté sur les lèvres, l’homme se lève de son perchoir pour pouvoir attraper un nouveau lot de patates à éplucher avant de se réinstaller confortablement. « Paraît-il aussi que notre chère maître espionne a mis quelqu’un derrière les barreaux aussi, pendant la chasse. Rien d’étonnant, elle s’offusque pour un oui ou pour un non. » Nouveau ricanement de la part de l’homme tandis que la jeune femme continue de trier ses carottes en souriant. « Quelqu’un lui a vomis dessus, à priori.. N’empêche que, c’est drôle tout ça. Ca fait un paquet de bannis du palais pour la prochaine année, tiens. Du moins, jusqu’à la fin du prochain tournois, à ce qu’a dit la duchesse… Ce serait pas étonnant qu’elle rallonge la sentence. » L’homme hume doucement aux paroles de la jeune femme alors que la maîtresse des domestiques se retrouve non loin d’eux, un œil avisé sur leurs actions. « Au boulot, vous deux, au lieu de discuter ! Nous avons un repas à préparer pour sa Majesté ! » Et sur ces mots, elle tourne les talons, s’apprêtant à aller disputer d’autres domestiques dissidents. Les deux domestiques en question se sourient doucement, un regard complice avant de se remettre à leur tâche, décidant que discuter de tout ça serait plus avisé plus tard dans la journée. Toutefois, en suivant du regard le mouvement de la maîtresse des domestiques, on peut aisément apercevoir la liste accrochée au mur des nouveaux bannis du palais, laissée là pour que tout le monde puisse les intercepter si besoin est. Un sacré tournois, oui, riche en aventures et en événements dissidents, sans nul doute.