« Elle conte bien sa vie cette petite, elle dit tout juste ce qu’il faut et je dois dire qu’emprunter ses mots me semble la meilleure chose à faire pour vous expliquez d’où vient cet être à l’aspect irréel. J’ai beau être aveugle et indéniablement âgé, je me souviens clairement de comment elle a commencé…cela débutait ainsi :
Je n’ai connue qu’un monde, qu’un seul et cela durant ce qui peut sembler être une éternité pour vous les humains. Il n’était guère plaisant, guère accueillant, il ne vous aurait pas plu sans doute et désormais je peux comprendre pourquoi. Votre univers se veut bancale, tout comme le mien, mais je dois avouer apprécier le vôtre pour ce mélange de culture ainsi que cette humanité qui en émane. D’ordinaire cela aurait révulsé plus d’un de ma race j’en suis sûre…. Néanmoins, je m’y plais. Je m’y suis faite aisément à vrai dire. Mon arrivée ici-bas m’a changé vous savez… J’ai perdu mes couleurs, comme un tableau trop vieux. Je suis devenue pâle, je suis devenue blanche. J’essaie toutefois d’avancer avec cette nouvelle apparence incertaine, l’avantage c’est que je la maîtrise et que je peux l’utiliser à ma guise ! Enfin…ce n’est pas le sujet… M’avait-elle annoncé en balayant d’un revers de mains les idées qui l’assaillaient.
Des moments j’ai l’impression d’avoir eu deux vies. Deux chemins, vous voyez ? Ils semblent bien distincts l’un de l’autre, toutefois ils finissent en permanence par se rejoindre et ça en deviendrait presque fascinant. Je suis née là-bas et je suis née ici. J’ai vécu là-bas et je vis de nouveau ici. Tantôt je perds, tantôt je gagne ; l’exemple type demeurant la perte de mes grands-frères chéris que j’ai finalement retrouvé au sein même des terres de ce nouveau monde. Cette conjonction des sphères me laisse donc perplexe… est-ce une bonne chose ? Sans doute. Moi qui demeurait une femme de poigne déterminée et appliquée à la tâche concernant mon clan, je suis désormais une jeune et fraîche étudiante apprenant la médecine dans cet univers qui n’est pas le mien ; étrange non ? Autrefois, j’étais respectée, connue, crainte et je ne me souciais que de ceux dont je « régissais » la vie, mais maintenant c’est tout autre chose. Il fut agréable d’amener la prospérité au sein de mon clan, sans oublier la lumière de fierté ayant égayer le regard de mes parents, mais quelque chose me manquait. Quelque chose comme Lysandre et Elijah. Depuis petite je n’avais cessé de les admirer, de les contempler, de les voire comme des modèles… Ils n’étaient pourtant pas là. Grandir sans eux, mûrir sans eux, devenir leader sans eux fut plus que dur. A cet instant j’avais pu sentir l’émotion étranglant sa voix et cela touchait mon cœur de vagabond sans toit sur la tête. Cette enfant aurait certainement préféré vivre auprès des siens… Elle avait quand même poursuivi malgré le silence qui avait flotté un instant.
Je n’ai pas eu une existence douloureuse je dois dire. Disons qu’elle manquait de… qu’elle avait trop de… de sang ? De cendre ? Peut-être oui. L’excès, toujours l’excès, c’est ce dont je me souviens le mieux en vérité, ainsi que cette notion de famille dont je ne peux encore me défaire à l’heure actuelle. Une famille. Ma famille. Elle s’est retrouvée bien mise à mal avec ses disparitions successives… J’ai essayé de faire de mon mieux pour son équilibre par ailleurs, était-ce vain ? Je ne crois pas. J’espère que mon père demeure en mesure de gérer ce que je lui ai refilé une fois partie… Il a intérêt à ne pas anéantir tout mon travail sinon je vais devenir furieuse ! Encore heureux que je ne puisse pas vérifier ! Mais encore une fois ce n’est pas le sujet… Le décès de maman l’a ébranlé il faut dire. Sans mère, sans père et sans frère… Pauvre ange avais-je songer en écoutant soigneusement le reste de son histoire./i]
Lorsque je me suis retrouvée sur vos terres, j’ai été plus que désorienté, je me retrouvais dépourvu de repères et d’occupations. Je ne reconnaissais rien, même pas mon corps, et personne de proche ne se situait à proximité. Cette expérience fut rafraîchissante, épanouissante ainsi qu’étourdissante ! Vous, humains, êtes parfois si surprenants… J’ai reçu au moins trois claques dans la figure par jour face à votre réalité, mais je ne m’en plains pas car cela m’a permis de réfléchir, de songer. Il m’a fallu arpenter différents territoires avant de retrouver ce que je cherchais ! Toutefois, quand je l’ai enfin eu près de moi, que j’ai enfin pu le serrer dans mes bras cet endroit est devenu d’autant plus meilleur : Elijah, mon frère aimé, je venais de le retrouver . Après des années de dureté, d’intense contrôle sur ma vie et mon fonctionnement, je pus retrouver une partie douce de ma personne. Je ne dis pas que diriger me répugne, bien au contraire ! J’adore cela ! Mais retrouver un semblant de cocon dans cette vie m’ouvrit de nouveaux horizons.
Je découvris par la même occasion un « homme » nouveau et pus partager de nouvelles choses auprès de mon aîné. Elijah avait changé, c’était indéniable ! Il m’apprit plusieurs choses sur ce monde, mais j’ai bien vite décider de faire mes propres recherches et puis … vu son adaptation il était préférable de faire mes propres expériences. La curiosité m’a toujours pousser à gratter plus loin, à arpenter des domaines souvent délaissés et à force de lire, d’apprendre, je me suis décidée à employer tout ce savoir. Non pas que je sois une érudit attention ! Disons que j’ai eu subitement l’envie d’aider ceux dans le besoin tant les villes regorgeaient d’âmes en détresse. Via plusieurs contacts soufflé par mon frère je sus rapidement où m’inscrire et quel cursus intégrer. Désormais j’en suis arrivée où je suis aujourd’hui… Une simple étudiante de médecine travaillant de temps à autre avec un superviseur… Il se trouve à Novigrad. C’est un mentor tout à fait respectable, j’apprends beaucoup à ses côtés même si ce n’est pas toujours facile je dois dire… On finit toujours par se chamailler. Avait-elle ajoutée en retenant un petit rire amusé dissimulant à mon sens des sentiments plus profonds. Peut-être était-ce de l’admiration ? J’en doute cela dit, cela me semblait plus attaché au cœur, mais je ne suis qu’un pauvre ère aux yeux qui ne peuvent plus voir dont le jugement peut aisément être faussé.
Vous me direz… passer d’une vie de cheffe de clan à ça c’est un sacré changement et je dois dire que oui ! Mais c’est pour ça que je ne peux réellement me passer des petits travaux illégaux que me confie mon frangin, sans aventure la vie serait un poil monotone. J’ai besoin d’adrénaline ! De vie ! En ôter ne m’intéresse nullement par ailleurs… et cela n’est clairement pas une de mes priorités. Par contre s’amuser c’est beaucoup trop plaisant ! Piquer un poil de sang aussi, juste pour sentir l’enivrement m’assaillir un instant. Cette évocation l’avait faite frissonner je me rappelle et la peur s’étant emparé de moi avait fini par se dissiper en me rappelant que c’était simplement sa nature.
Oh, je le vois à votre air légèrement songeur, mais vous voulez parler de mon autre frère n’est-ce pas ? Elle avait vu juste la coquine ! Eh bien… Lysandre est mort. Elijah ne m’en a parlé que peu. Je sais tout juste l’endroit où il est mort d’ailleurs mais chaque année je m’y rends en espérant que cela apaise je ne sais quelle douleur que je peux deviner dans le regard de mon frère. Ca me prend les tripes et les boyaux cette histoire… Peut-être un jour saurais-je réellement ce qui s’est passé ? J’espère. Ou plutôt non. Nous verrons. Une de mes mains caleuse avait pris le temps de serrer ses doigts dans les mien comme pour la réconforter. Ce n’était pas grand-chose, mais je pouvais bien faire cela pour celle veillant sur ma personne… Un tremblement de voix plus tard elle reprit de sa voix douce son récit.
En attendant les deux chemins se sont plutôt bien unifiés je dois dire. Il reste encore des choses à retravaillés, à apprendre et maîtriser, mais je demeure satisfaite vous savez ? Ma vie peut sembler chaotique, cependant elle reflète pleinement ce qui se trame dans mon esprit quand j’essaie de tout assimiler. La magie m’embrouille encore je pense… peut-être le fera-t-elle éternellement… ? Peut-être n’arriverais-je jamais à tout rassembler correctement ? Allez savoir ! J’ai deux routes, deux vies et deux natures : vampire et médecin. Espérons que je puisse mettre cela en œuvre de la bonne façon ! Si je suis ici je ne cesse de me dire que ce n’est pas une erreur… voir, un signe ? Créerais-je mon propre clan ici ? Vivrais-je dévoué aux malades ? Bah ! On verra hein ! J’ai tout juste 400 ans après tout ! J’ai du temps devant moi. Du temps, du sang et de l’envie.

Puis, elle a nettoyé ma plaie avant de me sourire, je ne l’ai pas vu certes mais je l’ai entendu puis elle a fini par un délicat « Fin de l’histoire. Bonne nuit Mormo. ». Elle a reposé ses outils de travail sur un tabouret voisin avant de s’éclipser pour que je puisse dormir et me remettre. Jamais mon sommeil ne s’est trouvé aussi doux que cette nuit-là car elle savait su me bercer de ses propos fabuleux. Adieu douce et rusé Nyleen.»

Dernier récit du vieux sans abris Mormo au sujet de sa bienfaitrice

« Dans l’inconscient collectif les vampires ont pour principale réputation d’inspirer la peur et de commettre des actes barbares envers les autres races inférieurs. Pour tout dire, j’étais d’accord avec pareils propos tout le long de mon existence miséreuse avant de rencontrer Nyleen. Cette…femme au caractère bouillonnant mais également réfléchi me rappelle parfois la mère que j’ai eu. Lorsqu’elle m’a secouru de cette sombre ruelle où je me voyais déjà mourir, elle sut me parler avec bienveillance et justesse afin de me redonner courage : inutile de préciser que cela fut efficace puisque vous me voyez aujourd’hui mes amis. Elle a des doigts de fées vu les miracles qu’elle a pu faire concernant mes blessures ! Quand elle m’a tendu la main c’est là que j’ai vu cette lueur agréable dans ses yeux, que je me suis senti sauvé… sauvé et guéri. Il faut dire que la petite mit du cœur à l’ouvrage et cela en dépit qu’elle m’harcela de questions diverses et variés sur notre bas monde ; j’avais l’impression que jamais sa bouche ne tarissait de paroles. Elle parlait vite, d’une voix claire teinté d’une curiosité maladive ! Une curieuse née celle-là ! C’était tout à fait étonnant ! Sa langue fourchait tantôt, mais elle savait se corriger pour mieux rebondir face à mon air narquois. Que voulez-vous, elle est nouvelle parmi nous ! L’erreur n’était donc pas très grave à mes yeux. Par ailleurs mes amis si je dois bien préciser une chose c’est qu’il ne faut pas se moquer de la demoiselle. Jamais ! O grand jamais ! Elle n’est pas réellement fière, c’est plus par principe voyez-vous ? Enfin, il me semble. Elle connaît sa place, son rang, ses pouvoirs et elle préfère savoir la crainte autour d’elle qu’une confiance excessive. Elle a bien raison d’ailleurs… il faut savoir se protéger, surtout vu une telle beauté. Une véritable lady...
Cette dame de sang sait assurer ses arrières, diriger, enivrer et organiser moults plans et jeux. Car oui, je l’ai en effet découvert lorsque nous parlions alors que je gisais sur ma paillasse : Nyleen est joueuse. Son timbre délicat me berçait la nuit tandis qu’elle me racontait les idées machiavéliques qu’elle construisait pour parvenir à ses fins et croyez-le ou non, je me suis attaché à cette partie enfantine de sa personne, quand bien même cela montrait le malin enfouit en elle. Dieu qu’elle est ingénieuse ! En effet, il ne semble pas qu’elle ait recourt à la violence, ou du moins rarement ! Son esprit est beaucoup trop aiguisé pour laisser places à des actes irréfléchis. Ou alors rarement... Elle m’a une fois confié chérir la vie, même si lorsque cela est nécessaire elle opte davantage pour un assassinat dissimulé dans l’ombre plutôt qu’une exécution en plein jour. Etrange façon que de maîtriser sa colère, n’est-ce-pas mes amis ? Mais c’est la sienne. A mon avis, il faut cependant se garder de la pousser à bout, je craindrais pour la dite personne dans ce cas... N'oublions pas que nous parlons de vampire, de vampire supérieurs.
Il y a aussi quelque chose de surprenant à son sujet : c'est la maîtrise des ressentis éprouvé par les autres et comment les manipuler de bonne ou mauvaise façon. C'est relativement fourbe je dois l'avouer, mais qui n'aimerait pas pouvoir se servir des gens à sa guise après tout ? Et puis, cette enfant a déjà gérer ceux de son clan, qu'ils soient plus âgés ou non.
Toutefois, même si la dame se veut redoutable et affûtée comme à nulle autre pareil, de ma vie je n’ai jamais eu de soutien plus doux que le sien. Vous l’auriez vu chérir ceux dans le besoin mes amis ! Un ange ! Un ange et non un démon venu d’un autre monde. Nyleen se veut prévenante et délicate. Une perle… Elle fera de grandes choses, j’en suis sûr. Elle apprend si vite ! Sans cesse elle nourrit son esprit ! On pourrait voir en elle un véritable caméléon dans la foule tant je l’ai vu s’acclimater aisément à nos us et coutumes. Cette petite n’a pas peur d’ailleurs ! Elle aime explorer, découvrir, même si cela peut lui coûter cher ; cela à également le don de miner son grand-frère de ce que je sais mais qu’importe. Sachez toutefois mes amis que  j’espère qu’elle veillera sur nos malades et blessés car je sais qu’elle sera bonne envers eux, comme elle l’a été pour moi. Certes, vous pouvez penser qu’elle demeure un monstre, mais je sais ce que j’ai vu durant ma convalescence : un être malin, vif, tendre et qui protège les siens autant que les autres. Cette femme est juste en plus d’être belle, lorsqu’elle tuera cela sûrement pour quelque chose de sombre et grave, je n’en doute pas un instant.
Merci à toi l’ange de sang des rues… Merci de m’avoir sauvé. Merci de m’avoir ouvert les yeux sur ceux de votre race, mon existence sera désormais plus douce. »

Oxiniac de Novigrad
Ivrogne et forgeron