Quoi de plus facile que la vie d’une noble ? Naitre dans l’opulence, entouré de serviteurs qui répondent à nos moindres besoins et caprices, de précepteurs qui se font un devoir de nous apprendre tout ce qu’il y a savoir pour survire en société. Les seules préoccupations sont alors de savoir quelle toilette porter pour les prochaines réceptions, de s’asseoir à une grande table bien garnie en attendant d’être servie, d’être belle et joviale, mais pas trop, d’être cultivé, mais pas plus que son mari, de savoir où placer son argent pour le faire prospérer, et ne surtout pas en perdre une miette, de se montrer à la hauteur de son rang et ne jamais le déshonorer ? On pourrait croire que la vie d’une noble est d’une simplicité désarmante et que rien ne peut venir entacher le parfait tableau de sa vie. Mais détrompez-vous, lorsque l’on regarde la toile de plus près, on peut remarquer des petites bavures laissées par le pinceau, les petites griffures de la spatule, les empreintes de doigts de l’artiste peu soigneux, la signature tremblante du peintre faite à la peinture rouge. Non, la vie d’une noble n’est pas des plus simples, et Edora le sait que trop bien.

La famille Sighrist faisait partie des plus riches et influentes de la cité Nilgaardienne de Baccàla et l’héritière de cette lignée était promise à un grand avenir. En tant que femme, elle était l’occasion de renforcer leur influence par des alliances avec les autres grandes familles. À peine ses parents avaient appris sa venue imminente, ils s’étaient empressés de lui trouver le meilleur parti pour faire prospérer leur nom. Elle se retrouva au cœur d’échange entre nobles, telle une marchandise de valeur avant même qu’elle n’est prononcé un mot. Mais tel est le devoir d’une héritière noble non ? Mais cette doctrine que ses parents tentèrent de lui enseigner peinait à prendre racine dans son jeune esprit dissident. Oh bien sûr elle savait qu’elle n’avait pas le choix, que tel était son devoir, mais ce n’est pas pour antan qu’elle n’allait pas montrer une quelconque résistance ou qu’elle allait tout accepter sans broncher. C’est du moins ce qu’elle espérait, car la dissidence est bien vite réprimée dans la noblesse Nilfgaardien, si bien qu’elle se retrouva muselée dès son plus jeune âge.

Toute jeune, elle tenta de désobéir, de faire les bêtises que faisaient les autres enfants qu’elle observait du haut de sa fenêtre, dans son palais d’argent. Mais ses parents n’hésitèrent pas à serrait la visse à coup de sanction et de leçon toujours plus sévère, d’heures d’apprentissages de la bienséance et de l’étiquette. Si bien qu’elle finit par connaitre ses notions mieux que n’importe quoi d’autre. Elle était donc sur le point de se résigner, d’abandonner l’idée d’avoir le moindre contrôle sur sa vie quand elle fut témoins d’une vision inattendus.

Cette journée avait commencé comme tous les autres, Muiri, sa servante attitrée, l’avait aidé à faire sa toilette, comme tous les matins, lui avait servi son petit déjeuné et avait remis un peu d’ordre dans ses appartements pendant que la petite lisait ses leçons sur son pupitre. Elle avait ensuite suivi les cours de ses précepteurs de langue, d’éthique et de morale, d’histoire et de danse. C’est en fin de matinée qu’elle sentit son estomac gargouillé, elle se rendit donc dans les cuisines comme elle avait l’habitude de le faire et c’est là qu’elle fut témoins d’une chose qu’elle n’aurait surement jamais dû voir.

Muiri, sa servante, était en train de converser avec un golem pas plus haut que son plan de travail. En voyant la petite entrer, et prise de panique, la domestique fit quelque mouvement de la main en récitant des incantations dans la hâte. La seconde qui suivit, le golem était redevenu à l’état d’ustensile de cuisine et de vaisselle diverse retombant négligemment sur le comptoir. La petite Edora pensa d’abord avoir rêvé, mais la mine déconfite de sa servante ne laissait aucun doute sur la véracité de ce qui venait de se produire. Edora connaissait l’opinion de ses parents sur les utilisateurs de la magie, elle connaissait leur aversion. La révélation quant aux aptitudes de la servante risquée fort de mener à son renvoi, ou pire encore et toute deux le savait. La petite aurait pu courir alerter ses parents, mais elle n’en fit rien, à la place, elle garda son aplomb habituel et referma la porte dernière elle pour faire face à la domestique.

- Si tu m’apprends à faire ce dont je viens d’être témoins, ton secret en restera un, dans le cas contraire…

Du haut de ses huit ans, la menace était limpide et sans appel. La servante n’avait donc d’autres choix que d’accepter. Dès son plus jeune âge, Edora semblait donc familière avec le chantage et les secrets présageant de son futur statut. Elle avait vu en l’apprentissage de la magie, une manière de déroger à l’autorité de ses parents et ce n’était en aucun cas pour lui déplaire.

Elle entama donc, en parallèle de ses obligations d’héritière de la noblesse, son apprentissage pour devenir une magicienne spécialisée dans la conjuration, le domaine de prédilection de sa servante, qui bien qu’elle obtînt un statut de mentor, n’eut pourtant pas le droit à plus de considération. Elle n’était qu’une roturière, là où Edora faisait partie de l’élite de la société. Elle savait où était sa place et Muiri devait connaitre la sienne, en bas de l’échelle.

Les années défilèrent et Edora Sighrist devint une merveilleuse invocatrice capable d’invoquer des golems de plus en plus grands et complets. Capable de conversation, surpassant presque les créations du célèbre Aep Dearhenna. Elle était très prometteuse et aurait pu devenir une grande magicienne si elle n’était pas destinée à devenir la matrice d’une nouvelle génération de nobles. Mais encore une fois, la jeune fille ne voyait pas les choses de cette manière. Elle était noble et ne voulait pas qu’il en soit autrement, elle voulait du pouvoir et de l’influence, elle voulait être considérée comme son digne rang l’exigeait, mais elle voulait suivre ses propres règles, vivre à sa manière, sans qu’on lui dicte une bonne conduite. Contre l’opinion de Muiri, elle se procura une potion de Mandragore qu’elle but dans la plus pure provocation. Son ventre n’était donc plus une terre fertile pour son futur mari qu’on ne s’était pas privé de lui choisir contre son gré.

On la maria à l’âge de 16 ans à un homme qui en avait 40 et avait déjà survécu à la mort de ses deux précédentes épouses, sans avoir le moindre héritier. Il possédait une richesse démesurée, un pouvoir conséquent à la capitale et même ses entrées à la cours de l’empereur, le candidat idéal pour l’héritière de la famille Sighrist. Edora ne tarda pas à devoir remplir son devoir marital bien malgré elle le soir de leurs noces. Elle aurait voulu dire non, elle aurait voulu crier, elle aurait voulu se défendre, s’enfuir ou invoquer l’un de ses golems et prendre un malin plaisir à le voir arracher la tête de son tendre époux. Mais elle se contenta de fermer les yeux, de penser à autre chose, d’oublier. Et elle fit de même les fois suivantes, les trop nombreuses fois suivantes.

Cela aurait pu continuer ainsi de nombreuses années encore, mais son mari voyait son âge avancer alors qu’aucun héritier ne s’annonçait. Edora restait désespérément inféconde faisant tomber l’opprobre sur sa famille. Quel déshonneur d’avoir une fille incapable de remplir son devoir le plus primaire !

En dehors de ce dégradant devoir, Edora avait accès à toutes les plus grandes instances de ce monde et avait tout le loisir de s’y épanouir. Elle se fit un réseau d’influence en parallèle de celui de son mari, peut-être même plus grand et influent. Elle assistait aux réceptions impériales se rapprochant de noble de tous les horizons ainsi que de l’Empereur lui-même, revenu de son exil forcé et sur un trône qui lui revenait de droit avant le coup d’État. Il se révéla que la jeune femme était très douée pour dénicher les secrets et faire chanter son monde, si bien qu’elle finit par être aussi craint qu’admirer. Son époux vivait très mal l’indépendance qu’elle prenait vis-à-vis de lui, mais quand bien même il pouvait faire valoir son autorité dans le lit conjugal, les réceptions publiques, c’était le territoire d’Edora, et elle ne serait jamais tentée de le remercier pour lui avoir ouvert les portes de ce monde qui lui allait si bien.

Le beau monde commençait à jaser sur l’impuissance de son mari, loin de se douter que le problème venait davantage d’elle. Des rumeurs de plus en plus vivaces finiraient même par circuler, sous-entendant que des deux époux, c’était bien la femme qui gérait leur empire d’une main de fer. Mais cela en revanche, c’était parfaitement vrai, son mari s’étant depuis longtemps reposer sur ses acquis et n’ayant plus cherché à étendre son empire.

Son talent d’entrepreneuse et au-delà de cela, de manipulatrice, arriva aux oreilles de l’empereur et elle fut de plus en plus souvent convoquée dans ses quartiers pour des raisons inconnues de tous.  En réalité, la flamme blanche qui danse sur la tombe de ses ennemies avait décidé de confier quelque mission d’espionnage diplomatique à la jeune femme prometteuse qui se retrouva à faire des allers retours dans le duché de Toussaint.

Elle avait atteint son but, une influence sans bornes, un bras qui ne cessait de s’allonger et une reconnaissance de l’Empereur lui-même accompagné de responsabilité qui n’était pas pour lui déplaire. Elle avait donc finit par avoir un certain contrôle sur sa vie, au grand dam de son mari qui ne parvenait pas à la garder en laisse en public. Mais dans l’intimité, elle n’était pas parvenue à avoir le dessus sur cet homme aigri, le seul à résister à ses charmes et ses manipulations. Elle ne lui avait toujours pas donné d’héritier après ces années de mariage et la patience de son mari s’amenuisait si bien qu’il commença à s’atteler à la tâche avec toujours plus de rage et de violence. Edora, qui jusqu’à présent était fière de voir le désespoir s’intensifier dans le regard de son époux finit par subir le terrifiant retour de bâton. Elle devait de plus en plus souvent faire face à la colère grandissant de cet homme, à sa violence de plus en plus cruelle. Les stigmates sur son corps se firent de plus en plus nombreux, mais que pouvait-elle dire ? Elle était seule fautive de cette situation et chaque membre de son entourage lui firent bien comprendre.

C’est au matin de ses 26 ans qu’elle reçut le coup de trop, celui qui mit fin à cette belle idylle. Alors que l’hématome ornant son magnifique œil gauche enflait à vue d’œil et que son intimité était violentée par les assauts répétés de son tendre époux, des mains rocailleuses et gigantesques vinrent enserrait le visage de ce si riche et puissant noble penché sur la jeune femme avant de le faire exploser dans un feu d’artifice sanglant constituer de cervelle et de fragments de boîte crânienne. Edora se retrouva recouverte de ce qu’avait été la noble tête de son époux et repoussa son corps encore tendu par l’effort qu’il était en train de fournir. Elle cracha de rage sur le cadavre de cet homme, alors que ses jambes tremblaient encore et qu’elle rabaissait les jupons de sa robe qu’il lui avait relevée sans ménagement. Elle se jura alors que plus aucun homme ne porterait la main sur elle au risque de subir le même sort, plus aucun homme n’aurait l’ultime privilège de la toucher.

Elle c’était retenue de tuer son mari plus tôt, temps qu’elle avait encore besoin de lui pour entrer dans le monde, mais c’était chose faite et il ne lui était plus d’aucune utilité. Elle aurait pu être condamnée pour son crime, mais c’était sans compter son influence et son statut secret auprès de l’empereur. Ainsi elle obtint la grâce en échange de ses services pour la raison d'État. Cela dit, elle ne pouvait plus demeurer à Nilfgaard, elle fut donc envoyer à Toussaint ou elle devint la seconde du service d’espionnage de la duchesse Anna Henrietta.

La vie d’une noble n’est pas des plus simples ni des plus heureuses, mais Edora a su tirer son épingle du jeu et tirer profit de cette situation pour arriver à ses fins. Elle savait finalement atteint son but, elle était dorénavant libre et plus personne ne pourrait la museler. Oh bien sûr sa quête de pouvoir n’allait pas s’arrêter là, elle n’était encore que numéro deux…

Edora ne fait pas partie du commun des mortels, c’est une noble et elle tient à ce que tout le monde le sache. Bien sûr il lui arrive de se glisser dans des rôles pour effectuer ses missions, mais toujours avec une prestance royale, impériale. Hautaine et fière, elle s’est certes servi de la notoriété établie son mari pour former son empire de richesse et d’influence, mais elle ne doit sa réussite qu’à elle-même et supporte mal qu’on insinue le contraire, quand on prend le risque de le faire. Il est d’ailleurs très rare que quelqu’un se risque à la contrarier, l’espionne prenant un malin plaisir à voir le visage de ses interlocuteurs se ratatiner sous son regard d’aigle. Autoritaire, elle ne tolère pas l’échec et il est préférable de répondre à tous ses caprices si l’on ne veut pas se retrouver sur la liste des indésirables.

Edora dirige son empire d’une main de fer visant l’excellence avec une ambition sans bornes. Elle chercher depuis longtemps à surpasser sa famille pour instaurer son autorité sur ceux qui ont tenté de la soumettre et de contrôler sa vie. Car, peu familière avec des notions d’amour et de compassion, Edora est rancunière et cruelle.

Une cruauté qu’elle dirige le plus souvent vers les représentants du sexe masculin. Elle garde une animosité tenace envers les mâles, qui comme sa famille, ont tenté d’avoir le dessus sur elle. Or on ne peut tenter de la dompter sans en payer le prix. Sa liberté, elle a payé assez chère pour l’obtenir et ne laissera jamais personne la menacer. La corneille insoumise est farouche et suspicieuse, ne confiant que très rarement sa confiance, la seule personne l’ayant entièrement acquise étant l’empereur de Nilfgaard, le seul mâle dont elle ne rêve pas de voir la tête au bout d’une pique.

C’est le seul homme qu’elle admire et respect. Loin de la condamner après son crime, il lui a donné l’occasion de se libérer du joug de ses obligations et de mettre ses talents au service de son pays et de son propre amusement, car plus qu’un travail, son statut d’espionne lui apporte une réelle satisfaction et un épanouissement personnel. Plus qu’une bonne citoyenne Nilfgaardien, Edora est une patriote prête à tout, même à se salir les mains pour voir les idéaux qu’elle a choisie d’adopter triompher dans le monde. Elle sait donc usée de ruse et de manipulation pour mener son travail à bien et administrer son large réseau.

Les hommes, elle aime les voir à ses ordres ou au bout d’une corde, on ne peut donc pas dire qu’elle recherche leur compagnie et encore moins pour ses désirs charnels, ne supportant plus qu’un homme la touche. Car oui, bien qu’elle soit obnubilée par son travail, il lui arrive d’avoir envie de se changer les idées, d’avoir une pause, de faire usage de ses talents d’intrigante dans un contexte plus privé. Pour autant, elle n’arrive pas à s’avouer que son attirance peut être dirigée à l’égard des femmes. Elle préfère taire ses pulsions, se figurant que son défunt mari lui a toute ôté irrévocablement.