➵ Aelwyd est née dans les bas quartiers de la ville de Maribor, une enfant elfe pure souche à priori sans grand avenir dans une société difficile à vivre. Sa petite enfance fut donc assez rude. Ne connaissant que fort peu d'enfants elfes de son âge, elle devint rapidement une petite fille introvertie et très attachée à ses parents, souvent jugée comme trop fragile pour se faire une place dans le monde. Son père, peut-être un peu trop porté sur l'alcool, restait un homme sympathique avec un talent pour le dessin qui ne cessait d'émerveiller la demoiselle. Sa mère, elle... Sa mère était à la fois son idole et son modèle, une vraie reine à ses yeux : elle l'aimait plus que tout, elle, ses longs cheveux roux, la douceur de sa voix, et ses talents "spéciaux".

➵ Car sa mère avait un secret, un secret qu'elle avait partagé bien vite avec sa fille : elle pouvait lire dans les esprits des gens. C'était une capacité qu'elle avait hérité de sa propre mère, une grand-mère morte depuis longtemps qu'Aelwyd n'avait jamais connue. La petite fille elle-même se révéla rapidement avoir des prédisposition en la matière, et, espérant sans doute donner à sa fille un atout de plus pour survivre sur le Continent, elle lui appris à s'en servir.

➵ Ce n'est pas une surprise que le décès soudain de sa mère, quand elle avait 13 ans, affecta beaucoup Aelwyd. Non seulement elle perdait la personne la plus importante à ses yeux, mais elle se retrouvait également sans guidance face à ses dons magiques. Se retrouvant soudainement bien seule, avec pour seule compagnie un père qu'elle avait l'impression de ne plus connaître, elle perdit, d'ors et déjà, une bonne part de son innocence de jeunesse. Que faire à présent ? Elle n'en avait pas la moindre idée.

➵ Elle du trouver un plan rapidement, cependant. Il s'avéra en effet bien vite que, pour survivre, elle ne pouvait à présent compter que sur elle-même. Son père n'était pas mal intentionné, mais il s'était toujours reposé sur son épouse pour que la famille fonctionne, et à présent qu'elle les avait quitté, il semblait encore plus absent qu'avant... L'adolescente, de fil en aiguille, en vint à trouver sa place d'un un petit groupe de criminels mineurs de Maribor, spécialisés dans les cambriolages. Dans le fond, vu sa situation, c'était presque naturel... Il fallait bien vivre, rien n'était gratuit, et si voler lui permettait de survivre, qui aurait pu le lui reprocher ?

➵ C'est comme ça qu'elle vécu pendant quelques années. Ses talents de psion, pourtant loi d'être utilisés à leur plein potentiel, lui étaient bien utiles et lui assurait une place assez correcte dans son gang, malgré son jeune âge : après tout, avoir quelqu'un capable de percevoir les esprit des gens autour d'elle était indéniablement pratique. Cette brillante carrière, avouons-le, ne volait pas très haut. Elle montait la garde pendant que d'autres chapardaient dans des maisons vides ; elle démêlait le vrai du faux dans les paroles d'ennemis de son groupe... Rien d'une reine du crime, donc. Ce n'était pas la pire vie au monde, un peu dangereuse sans doute, mais quand même assez confortable pour ne pas vivre dans la misère : et comme le disaient ses partenaires, mieux valait risquer de mourir par le fil d'une épée que de mourir de faim. Elle était d'accord avec cette phrase. Et pourtant... Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une insatisfaction face à sa vie. Elle avait envie de plus, sans être réellement capable de mettre le doigt sur "plus de quoi" exactement. Quelque chose lui disait que sa mère n'aurait pas approuvé de la tournure que prenait sa vie, un sentiment qu'elle faisait de son mieux pour chasser de son esprit tant il la rendait malade.

➵ Tout changea en 1264. Aelwyd avait 18 ans, alors, et elle fit la rencontre d'un homme qui allait transformer sa vie. Elle ressentit sa présence avant même de le voir en chair et en os, un esprit scruté de loin qui la sentit arriver et qui répondit à sa présence comme s'il l'avait attendue depuis tout ce temps. C'était le premier psionique qu'elle rencontrait depuis sa mère, et elle en fut complètement chamboulée. Enfin, quelqu'un qui la comprenait... Et qui pouvait l'aider, aussi, à se comprendre elle-même. A l'époque, elle se convainquit que cette rencontre était une intervention de la Destinée (interprétation qu'elle a totalement reniée aujourd'hui). L'homme en question, un humain, l'aborda rapidement, parfaitement conscient de ses capacités. C'était un talent rare, lui dit-il, un talent qui ne méritait pas d'être gâché. Pourquoi ne venait-elle pas avec lui ? Elle pouvait devenir son apprentie. En apprendre plus sur ses talents. Et, avait-il ajouté, servir Temeria en même temps. Il ne lui fallu pas trois minutes pour que la jeune elfe oublie toute réticence face à ce 'd'hoine' et accepte ses propositions... Enfin, une nouvelle vie s'offrait à elle. Ca devait être ce qu'elle avait tant attendu jusqu'à présent.

➵ Elle quitta donc son groupe, sa ville, et sa vie : elle n'avait pas de regret à laisser tout cela derrière elle. L'homme qu'elle avait rejoint s'avéra être un soldat temerien plutôt haut placé - un "patriote", trait de caractère qu'elle avait toujours trouvé ridicule chez d'autres mais qu'elle pardonnait chez lui.  Les choses commencèrent très bien. Avec l'aide de son nouveau mentor, elle appris à affiner ses pouvoirs psioniques, reprenant ses leçons là où sa mère les avait abandonnées. Il fallait même avouer qu'elle en apprenait bien plus qu'à l'époque, se découvrant des capacités qu'elle n'avait même pas soupçonné avoir. Elle pouvait extraire des secrets bien caché au sein d'esprit hostiles, et même imposer sa volonté à autrui, contrôler des esprits, pendant quelques instants... Si, au début, certaines de ces pratiques l'effrayèrent un peu moralement, elle réalisa bien vite qu'il n'avait pas à avoir peur. Elle était née pour cela... C'était tout naturel qu'elle utilise ce que la vie lui avait donné.

➵ Progressivement, pourtant, la situation commença à prendre une tournure plus sombre. Elle ne le réalisa pas, au début, trop emballée par la sensation de participer à quelque chose d'important et de s'améliorer en magie. Mais elle arriva rapidement à un point où sa sensibilité reprit le dessus. Ses capacités à lire les esprits faisaient d'elle une personne idéale pour prendre part à des interrogatoires - souvent violents, souvent difficiles à vivre, et même, de plus en plus, difficile à justifier... Elle se reprocha d'être trop sensible, de se laisser impressionner par les opinions de ses cibles, mais rien n'y fit : son mal aise continuait de croître. Le pire restaient les elfes, la haine qu'elle percevait en eux à son encontre, leur dégoût, elle était vue comme une traître... Elle avait beau se dire qu'elle leur rendait service (les informations qu'elle dénichait comme ça, on ne les leur arrachait pas par la torture, après tout), elle le vivait mal.

➵ Le fait que son mentor soit capable de lire son propre esprit n'aidait pas à la mettre en confiance, bien sûr. Elle avait peur de penser à toutes ces choses, peur de douter - peur qu'une simple pensée de sa part, perçue au mauvais moment, ne vienne jouer contre elle. Pire encore, elle avait peur de décevoir cet homme auquel elle devait tant... et plus ces angoisses prenaient le dessus, plus son comportement en était impacté, causant des suspicions à son encontre, empirant encore les choses pour elle. Un cercle vicieux, en somme. Effrayée par son propre esprit, elle commençait à devenir presque paranoïaque, imaginant d'autres psions là où, clairement, il n'y en avait pas. Aucune de ses pensées ne pouvait être réellement protégée : elle n'était pas en sécurité au sein de son propre esprit... C'était une sensation terrifiante.

➵ Alors elle fuit. Se fut une décision soudaine et imprévue - comme elle avait appris à les prendre. On lui avait ordonné de faire le voyage seule entre deux villes ; elle était partie avec la ferme intention de rejoindre sa destination, et puis, en chemin, elle avait réalisé : c'était sa chance. Des gens disparaissaient sur les routes tous les jours. Le monde était dangereux, et elle n'était jamais qu'une elfe en solitaire. Ce ne serait pas si suspect.

➵ Durant les mois qui suivirent, elle garda un profil très bas et tâcha de se faire oublier et de quitter la Temeria. Elle craignait les soldats, d'être reconnue comme une traître et une déserteuse ; elle craignait également les anciens ennemis contre lesquels elle s'était battue par le passé, d'être la cible de représailles. Probablement dramatisait-elle un brin. Bon nombre de ces gens ignoraient tout de son existence. Mais elle préférait ne pas prendre de risques... De peur d'être démasquée, elle se teint les cheveux en un ton brun sombre, triste mais passe partout, et se promit de n'utiliser son don qu'en cas d'extrême nécessité. Si elle voulait survivre à tout ça, elle devait disparaître.

➵ Elle s'était promis de devenir une femme vertueuse à présent qu'elle était libre, mais les vieilles habitudes meurent difficilement, et elle se retrouva rapidement à chaparder comme dans sa jeunesse. Elle l'accepta avec un certain fatalisme. Au moins, elle ne tuait personne.

➵ Ses errances finirent par la mener à Novigrad - une grande ville, pleine de monde, où il serait possible de se fondre dans la masse. Sous un faux nom, elle s'installa dans une chambre assez immonde du bas quartier local. C'est encore là qu'elle se trouve à présent, un peu moins de six mois plus tard. Jusqu'à présent, elle croit avoir réussi à s'intégrer sans se faire remarquer, et espère pouvoir se poser en ville une ou deux années, le temps de reprendre sa vie en main. Ca fait trois ans à présent qu'elle a quitté l'armée... Peut-être serait-il temps de passer à la suite. Mais pour ça, il faudrait se débarrasser de son angoisse constante.

Ce qui est le plus marquant, chez Aelwyd, c'est qu'elle est excessivement méfiante. On pourrait croire qu'être psionique lui donnerait confiance en elle, mais c'est tout le contraire... Même en étant capable de déceler les intentions d'autrui, elle ne parvient à faire réellement confiance à personne, pas même à elle-même. Pour cette raison, il est très difficile à la plupart des gens de découvrir "qui elle est vraiment". Quelle est la personnalité cachée de cette elfe fuyarde ? Elle-même n'est pas sûre de le savoir

Elle a un certain sens de la morale, c'est une chose. Les meurtres, la cruauté gratuite, toutes ces choses lui déplaisent beaucoup. Ca ne veux pas dire qu'elle prendrait des risques pour intervenir et sauver quelqu'un qui serait victime de ce genre d'actes, cependant. Il ne faut pas trop lui en demander. Mais il est vrai qu'elle rechigner à tuer, et qu'elle se sent même vaguement coupable quand elle se débarrasse d'un gêneur à coup d'attaque psychique : globalement, elle préfère éviter les conflits, tout simplement.

Elle a beaucoup de regrets, bien qu'elle n'en parle à personne. Elle regrette ses actions durant son passage à l'armée ; elle regrette de ne pas être plus forte d'esprit ; elle regrette d'avoir déçu son ancien mentor ; elle regrette d'avoir déçu sa mère. Un peu perdue, sans grand avenir, elle se laisse plus ou moins porter par les événements depuis quelques années, se contentant de survivre sans trop savoir pourquoi. Peut-être la raison pour laquelle elle accepte de vivre dans des conditions assez miteuses dans le Lacis est qu'elle considère qu'elle ne mérite pas mieux... Elle a été ambitieuse à une époque, mais c'est clairement derrière elle.

Elle s'est déjà montrée très manipulable par le passé, et c'est une erreur qu'elle a peur de répéter. Aussi se montre-t-elle, au contraire, très ferme dans ses opinions : il en vaudrait beaucoup pour lui faire changer d'avis. Même quand elle a clairement tort. Et de toute façon, ça ne regarde personne, si ?

Face aux tensions qui opposent généralement humains et non-humains, elle a du mal à se positionner. Vu son histoire personnelle, elle ne se voit pas comme la meilleure personne pour en juger. Elle traitera n'importe quelle race de la même façon - c'est à dire avec une distance et une froideur presque polie. Elle craint la scoia'tael (entre bien d'autres choses) et oeuvre activement pour ne rien avoir à voir avec elle.

Secrete, elle n'aime pas parler d'elle-même. Elle n'aime pas spécialement écouter les autres parler d'eux, non plus. En fait, elle considère que le monde irait bien mieux si tout le monde gardait ses histoires pour soi et ne se mêlait pas de celles des autres.

Pour quelqu'un de si angoissé, c'est surprenant de voir à quel point elle s'accroche à la vie. Elle n'est pas heureuse, au jour le jour, mais elle refuse de se laisser totalement désespérer : elle survit sans savoir pourquoi, prête à bien des choses pour rester en vie malgré tout. Peut-être par défi, ou peut-être pour honorer la mémoire de sa mère. Peu importe. Elle est toujours debout, et c'est le principal.