Les sorceleurs et leurs invités;

☾☾ Ton souffle venait se perdre entre les intersites de tes doigts légèrement engourdis alors que tu te demandais encore pourquoi tu avais cédé à l’invitation de ton frère et même maintenant que le fameux bastion était en vue. Tu aurais pourtant pu rester à Novigrad, passant tes journées comme toutes les autres, allongé sur ton lit dans un état second avant de sortir dans les rues de la cité libre pour déverser toute la rage que tu essayer tant bien que mal de refréner par tes méthodes addictives habituelles. Tu aurais pu rester prostré dans ton apathie au lieu de faire ce long voyage pour le duché et de progresser difficilement dans cette épaisse couche de neige. Seulement voilà, tu connaissais ton frère, tu savais que quand bien même il n’était pas du genre envahissant ni surprotecteur, loin de là, il n’apprécierait tout de même pas de ne pas avoir de nouvelle et finirait par débarquer à un moment où un autre pour te faire regretter ton silence. En plus de cela, c’était Yule et tu t’étais toujours efforcé de célébrer, dignement ou non, les solstices qui rythmaient les années et marquaient un renouveau. Malgré tout cela et ses raisons somme toute valables, tu te demandais véritablement ce que tu faisais là, à pousser ton cheval dans la neige au beau milieu du duché de Toussaint. Tu n’avais pas envie de te sociabiliser, pas envie de voir du monde avec lesquelles tu serais obligé de parler, de donner des nouvelles et d’en demander, et c’était bien la première fois de ta vie que tu réclamer cette solitude que tu abhorrais pourtant de toutes les fibres de ton être. Mais depuis des mois que tes yeux étaient ouverts, aucune compagnie ne te semblait réconfortante, aucune ne calmait le brasier qui harcelait tes entrailles. Ce soir tu allais donc devoir faire un effort, essayer de faire semblant, pour ton frère, pour qu’il ne s’inquiète pas, pour que tu ne sois pas obligé de t’expliquer, de donner des réponses que tu ne voulais plus extérioriser.

Le bastion n’était plus qu’à une dizaine de mètres et tu mis pied à terre pour faire le reste du trajet en marchant, tirant Naga par la bride alors que Jaskier essayait de se réchauffer, blotti sur ton épaule. Si le froid n’était pas réellement un problème pour toi qui avais vécu des années sur l’archipel de Skellige, ce n’était pas la même chose pour un corvidé. L’hiver de Toussaint était certes rude mais tu ne t’enlevais par de la tête que ça ne valait pas un saut dans les eaux de Skellige en plein hiver après avoir été lâché dans les aires par une échidnée. Tu relevas toute de même le col de fourrure de ton manteau pour protéger ta nuque des rafales glaciales et tu attachas Naga aux écuries où il serait à l’abri du vent. Tu saisis ton luth qui était fixé sur sa selle avant de te stopper, te demandant quel intérêt tu avais à le prendre. Cela faisait des mois que tu n’arrivais plus à en jouer, que tu avais perdu toute envie et toute inspiration, alors à quoi bon ? D’autant plus que tu ne voyais pas l’utilité que tu avais à le prendre pour une réunion de sorceleur… Tu finis tout de même par le mettre dans ton dos à côté de ton glaive. Par habitude, par besoin, parce que tu ne le quittais quasiment jamais et qu’il faisait partie de toi quand bien même le son de ses cordes te paraissait de plus en plus étranger.

Tu laissas un dernier soupir t’échapper avant de franchir les portes du bastion, l’invitation de Rhaegar à portée de main au cas où quelqu’un te demanderait de justifier ta présence, toi qui n’étais pas sorceleuse quand bien même tu arborais le symbole de l’école de l’ours. Tu ne tardas pas à rejoindre la grande salle dans laquelle se déroulait la soirée pour que ton corbeau ne se transforme pas en statue de glace. Il fit d’ailleurs savoir sa joie de se trouver dans un endroit bien plus chaleureux en agitant ses ailes engourdis alors que tu parcourrais la pièce du regard.

Tu n’avais jamais vu autant de sorceleur rassemblait au même endroit. Les membres de Craag Inis n’étaient plus guère nombreux et en dehors du bastion de l’ours, tu n’en avais visité aucun autre, c’était donc une première quelque peu intimidante. Tu fis quelques pas dans la pièce, te sentant de plus en plus étrangère et insignifiante. Tu avais de plus en plus envie de te réfugier dans un coin pour t’y recroqueviller et attendre que ça passe, que tu puisses rentrer chez toi, disparaitre dans un trou à rat, particulièrement approprié à l’endroit... Tu hésitais presque à simplement saluer ton frère avant de partir la minute d’après pour refaire le voyage jusqu’à Novigrad et retrouver ta foutue solitude…

En parlant de Rhaegar, tu le remarquas assis à une table déjà bien garni et visiblement déjà bien animé. Tu reconnus quelques visages tel que celui de Galaad et d’Otsumi et en découvris d’autre alors que tu t’approchas, ressentant de plus en plus le besoin de noyer ton malaise dans la plus grande quantité d’alcool possible. Seulement voilà, c’était une réunion de sorceleur, pas une réception mondaine et aucun serveur n’allait passer près de toi pour que tu subtilise des verres et tu n’avais pas non plus repérais d’éventuel buffet pour l’heure alors tu allais devoir trouver un autre moyen. À peine arrivé à hauteur de la table, tu saisis en vol le verre d’une jeune femme brune que tu ne connaissais pas pour le finir d’une traite avant de le reposer devant elle, tu fis d’ailleurs de même avec celui de ton voisin avant de reconnaitre le visage d’Hashmàl que tu n’avais pas reconnu de dos jusqu’à présent. Tu reposas son verre en déglutissant avant de te tourner vers l’assemblée encore plus mal à l’aise qu’auparavant aux vues de la présence du mage que tu n’avais pas revu depuis qu’il avait tout appris sur ce que tu ne voulais pourtant surtout pas avoir à expliquer. « Hm… Salut… » Tu te raclas légèrement la gorge avant de saisir la chope d’un sorceleur qui passait juste derrière toi, le saluant simplement d’un geste en ignorant son éventuelle réaction avant d’aller t’assoir à côté de ton frère en réfugiant ton visage dans ton verre.

Voilà, tu avais véritablement envie de t’enterrer dans un trou et tu espérais que la soirée allait vite passer où bien que tu serais ivre assez vite pour ne plus être en mesure de fuir.

b l a c k f i s h