La flatterie n'était pas une habitude chez Danaän. À dire vrai, elle ne flattait jamais personne sans que le compliment soit justifié car pour la jeune barde, la flatterie faisait partie des conventions pompeuses et insupportables des nobles. Ainsi, lorsqu'elle évoqua l'influence de la maquerelle, ce n'était qu'une constatation évidente. Elle ne doutait pas que le milieu des lupanars soit parfait pour obtenir des secrets et des informations compromettantes sur bon nombre de personnes de milieux différents. Et à quoi peuvent servir des secrets hormis à mettre en place d’habiles chantages et des jeux de pouvoir sournois ? Cette Elerinna devait à coup sûr détenir bon nombre de ses informations et s’en servir avec brio pour étendre son empire comme elle l’avait fait. Ce n'était donc pas une flatterie, en tout cas pas à proprement parler, mais davantage une observation et au final celle qu'elle flatter c’était elle-même, contente que son œuvre eût trouvé un certain écho.

Danaän écouta son acolyte d’une oreille attentive en vidant son verre à une vitesse que les conventions réprouvent. Elle sourit en observant sa compagne saluer des invités tantôt affables, tantôt gênés. Elle semblait s'amuser de son effet et la barde ne pouvait que la comprendre. Il avait un côté satisfaisant à mettre les autres devant leur contradiction et leurs vices inavouables. Non pas pour les juger la concernant, mais pour les forcer à se montrer tels qu’ils sont, dans leur entièreté. L’humain était si beau et hideux en même temps, il était dommage de soustraire cette laideur au regard du monde et se priver ainsi d’un pan entier de sa nature. Les propos de la jeune maquerelle ne faisaient que confirmer ses affirmations sur son influence avec une espièglerie qui lui allait à ravir. Dans une certaine mesure leurs professions étaient similaires, dans la recherche du plaisir et de l’information en tout cas.  La différence résidait dans l’utilisation des informations et l’implication corporelle, mais cela allait sans dire. Elle sourit de plus belle aux paroles de la maquerelle. « Il est vrai que la concurrence est assez rude chez les bardes et notamment les femmes, il est difficile de rivaliser avec le talent et la notoriété d'Essi Daven ou encore Callonetta. Mais j'espère parvenir à tirer mon épingle du jeu un jour. »

À peine eut-elle répondu, qu’elle fut secouée par les coups de coude de la jeune femme. Elle suivit alors le regard d’Elerinna pour découvrir une aristocrate tout enfarinée et maniérée qui déambulait jusqu’à ses amies bourgeoises. Après avoir bien appréhendé la comtesse ou duchesse dont il était question, elle se laissa une nouvelle fois guider par sa nouvelle amie pour porter son intérêt sur une femme beaucoup plus jeune et fringante que la précédente. Elle ne put refréner un sourire devant ses révélations compromettantes, se disant que les nobles étaient décidément plein de surprises et des sources intarissables de vices dissimuler tous aussi délectables les uns que les autres. La vie d’une comtesse/duchesse devait être tellement dure et compliquée… Comment la blâmer de trouver du réconfort dans les bras des filles d’Elerinna pour fuir un éventuel mari qui ne devait pas se priver d’en faire toute autant ? Elle se disait cela sans jugement aucun, enfin presque, elle avait toujours eu du mal à compatir avec le malheur des nobles.

En écoutant le discoure de la jolie blonde, Danaän saisit de justesse deux nouveaux verres dont elle n’eut pas le temps d’appréhender le contenu sur le plateau d’un serviteur qui passait à proximité. Elle en tendit alors un à sa complice après celle délicieuse démonstration. « Voilà qui pourrait faire l’objet qu’une sympathique chanson grivoise ! » Répondit Danaän en levant son verre vers son acolyte. Cette soirée en compagnie de la jeune maquerelle semblait très prometteuse et riche d’inspiration. « Prendre du plaisir dans son travail, n’est-ce pas l’essentiel ! En tout cas, vous êtes redoutable ma chère et je ne doute pas que cette soirée en votre compagnie réserve de belles surprises » Danaän se dit qu’elle était finalement d’une excellente humeur ce soir tout en portant son verre à ses lèvres.

La jeune barde avait bien remarqué que ses compliments plaisaient à son acolyte. Une femme comme elle, avec un tel physique devait pourtant avoir l'habitude de subir toute sorte de flatterie. Cela dit, après la démonstration qu'elle venait de faire, ses nombreuses flagorneries devaient avoir pour but de se la mettre dans la poche et éviter de voir ses petits secrets retourner contre soi en temps normal, qu'importe la véracité de ses compliments. Quoi qu'il en soit, elle semblait être une femme de pouvoir et savoir s'en servir. Mais c'est dans la simplicité avec laquelle elle avait exposé cette force, qu'elle avait plu à Danaän. D'autres auraient fait des manières, louant leur capacité et leur intelligence dans la recherche d'informations. Elle s'était contentée d'énoncer les faits avec un amusement certain. Elle n'avait pas non plus l'air de se retenir de dire ce qu'elle pensait ou d'avoir peur de ce qu'on dirait d'elle, qu'importent les raisons de sa présence. Elle ne pouvait pas l'affirmer, mais elle n'était pas l'air d'être d'une hypocrisie insupportable. Danaän était de plus en plus intrigué par le personnage, ce demandant s'il elle ne se passionnait pas autant pour les ragots et petit secret des autres afin de cacher ses propres démons.


Ses démons à elle, Danaän les conjurait dans l'alcool, la drogue et surtout la musique. Si elle n'a avait pas eu cette passion, seuls les dieux savent dans quel caniveau putride ou grotte sordide elle serait morte. Car sans la musique, Danaän n'aurait eu aucun but dans sa vie et elle se serait retrouvée avec le seul talent de savoir se battre. Elle se serait donc sûrement plonger dans la chasse au monstre, humain ou non, et en serait très certaine morte dans l'anonymat total. Mais Maître Jaskier lui avait offert une vocation et au-delà de lui, Petit-œil. Danaän était donc d'accord avec sa comparse. Elle avait découvert les textes d'Essi peu de temps après s'être passionné pour la poésie. Elle était déjà admirative devant le travail de Maître Jaskier qui restait encore à ce jour sa grande référence, mais elle était toujours était bien plus touchée par les textes de cette jeune et regrettée barde. Elle aurait aimé la rencontrer et partager avec elle sur ses textes et en apprendre plus sur cet esprit si créatif, mais elle ne pouvait que spéculer sur la personne qu'elle était au travers de ces textes d'une rare beauté.


Mais ce n’était ni le soir, ni l’endroit pour pleurer cette artiste et Danaän ne put refréner un rire en songeant à quelques vers de sa future chanson paillarde. Elle s'était souvent retrouvé à devoir en improviser lors de soirées bien trop arrosé dans les tavernes de quelques bourgs oubliés des dieux. Cela redonnait un peu de baume aux cœurs et de rouge aux joues d'hommes de peu éculé par le labeur et ce genre de soirée lui laisser toujours un souvenir chaleureux qu'elle aimait se remémorer. Quant aux soirées chez les nobles dont parler Elerinna, elles laissaient des souvenirs bien moins plaisants. Peut-être en avait-elle connu plus que la maquerelle, mais en tant qu'employé, pas invité, par conséquent, on ne prêtait pas une grande importance à sa personne. Peut-être les choses changeront-elles quand elle se sera fait un nom. Mais il est vrai que cet anonymat avait parfois des bons côtés, on ne prête pas attention aux oreilles trainantes d'une fille de rien, bien que l'on devrait, surtout si son métier se résume à conter les petits secrets du monde en chanson. Son métier de barde amené aussi parfois la jeune femme dans des situations assez improbable, engagée dans des soirées aux goûts plus que douteux elle avait alors été témoins des fétiches les plus incongrus et insolite de certains grands de ce monde à l’image pourtant si parfaite. « Vous avez raison, J'ai moi aussi pu être dans la confidence de certains nobles et pu connaître certains de leurs penchants, mais dans bien des cas, ce n'était pas fortuit. Certains d'entre eux, peut habile avec une plume, m'ont notamment passée commande de poèmes et autres sérénades pour déclarer leur flamme, et ce n'est jamais pour leur conjoint légitime. L'une des commandes les plus lucratives fut passé par un noble de Vengerberg qui voulait que je lui écrive une chanson pour l'élu de son cœur, un jeu gardien de troupeau qui refusait obstinément ses avances et s'il m'a payé autant c’est pour que je garde le secret de son orientation sexuel et que je ne publie jamais le résultat. »  Danaän c'était alors bien gardé de dire, après livraison de la commande, qu'elle allait tout de même publier son œuvre en changeant simplement les protagonistes. « Mais malheureusement, le trait de caractère des nobles qui se remarque le mieux dans ma profession, c'est leur avarice. » Conclut-elle en souriant, constatant par la même occasion que l’alcool était plus fort que le précédent.  « Concernant cette soirée » Danaän tourna son regard vers un homme, vraisemblablement un cintrien, qui avait fait entendre sa voix plus d'une fois depuis qu'elles étaient entré dans la pièce « Je pense que certains secrets viendront à nous sans que nous ayons beaucoup d'efforts à faire pour les trouver. Cet homme par exemple, semble tout près à nous révéler quelques confidences. »