L’épuisement était présent, gangrénant muscles et vitalité en quelques secondes et laissant un corps énergisé en pleine fatigue qui semblait pourtant imperceptible si on ne se donnait pas la peine de regarder. Pourtant, quand ton regard se posait sur les survivants, tu pouvais sentir la fatigue qui se dégageait de chacun d’entre eux. Les visages étaient assombris par la tristesse d’avoir perdu un fils, un père, dans cette légère bataille qui reflétait bien trop crument la réalité de ses moments flottants entre les guerres, malgré la paix environnante. Cette paix, cet aspect bucolique de la région, avait été brisée en l’espace de quelques heures pour qu’elle puisse revenir plus forte par la suite, pour que chacun d’entre eux puissent vivre de récoltes fertiles. Seulement, toute chose avait un prix, toute chose demandée pouvait réclamer un sacrifice et aujourd’hui, en ce début de matinée, ces gens avaient payés le prix lourd de la fertilité de leurs terres. Aucun d’eux ne pourra oublier cette matinée, même si la bataille était loin de celles connues dont les terres de Velen portaient encore l’emprunte intemporelle. La pluie venait nettoyer le sang qui tâchait désormais la terre, les tâches rougeâtres glissant dans les sillons creusés par les monstres tandis que les corps demeuraient inertes de ci de là de la zone qui avait été établie pour le rituel. Même pour toi, le prix à payer pour avoir aidé ses gens était élevé. Tu n’étais peut-être pas traumatisé, non, mais tu restais marqué par les râles d’agonie, l’image poignante de corps qui tombent mais qui ne se relèvent pas. Cette journée resterait probablement marquée dans ton esprit pour encore un moment, malgré la fatigue qui s’insinuait dans tes muscles actuellement et qui les rendait particulièrement contrit. Cette journée ne serait pas sans conséquences, c’était sûr, mais les bénéfices de cette dernière étaient suffisamment élevés pour que tu ne puisses pas en garder un amer souvenir, même s’il l’était quelque peu pour les pertes qui étaient amenées. Mais c’était le prix. De grands sacrifices pour de grandes récompenses. Même le mage, tu pouvais voir sur son visage que la fatigue était présente, qu’elle drainait une partie de ses forces comme l’avait fait son rituel auparavant. Tu te doutais que pour lui-aussi le rituel était marqué en demi-teinte, que la réussite était toujours, malgré tout, teintée par les sacrifices qui venaient avec, malheureusement. Il n’y avait rien à faire, il n’y avait de plus à dire si ce n’est prendre soin des blessés et s’occuper de ceux qui avaient expiés leur dernier souffle. Tu suivis les autres, en retour vers le village, dans un silence qui était aussi grave que mortuaire, tes pattes s’enfonçant dans la boue alors que ton poil était très vite teinté de la pluie qui tombait sans interruption depuis quelques dizaines de minutes. Tu restas à l’écart, dans le tumulte du retour, restant aussi sage que tu pouvais l’être, et observant les diverses réactions qui pouvaient se voir de ci de là des êtres, des relations. Il y avait une chaleur qui se dégageait de tout ça, malgré la tristesse environnante d’avoir perdu des êtres chers aussi, et c’était ce qui te poussait à garder un minimum le sourire, malgré ta forme animale. Tu ne pouvais décemment pas te retransformer maintenant, non. C’était trop risqué. Même si les villageois semblaient t’estimer pour les avoir aidé, ils ne te connaissaient pas vraiment, ils ne savaient pas que c’était le petit elfe qui habitait à côté qui les avait aidé. Non, tout ce qu’ils savaient, c’était qu’un puma avait aidé à ce que le rituel se passe bien, c’était tout, et tu préférais que cela reste ainsi. Tu quittas cependant ton lieu de pause pour rejoindre le druide avant qu’il ne parte, ronronnant légèrement avant de frotter ta tête contre sa jambe, comme un simple signe d’affection, d’amitié, et de loyauté, d’une certaine manière. Mais comme toujours, tu le laissas partir sur les routes et toi… Comme d’habitude, tu entrepris de rentrer chez toi, te faisant une note mentale de revenir plus tard pour aider les villageois, notamment avec les corps, avant que les goules ne fassent leur apparition. C’était le moins que tu puisses faire, et comme toujours, tu comptais faire de ton mieux. Tu gardas en tête, toute la journée, cette drôle de matinée et cette nouvelle rencontre avec le druide, sous une forme encore différente qui se termina sur une note amer, mais douce néanmoins. Un drôle et savant mélange qui restera dans ta mémoire.