Ton amitié avec Ataroa dépassait largement les limites de tout ce que tu avais connu en terme d’amitié. Oh, tu avais gardé de longs contacts avec des comparses vampires et même draconiques, pour ceux que tu avais eu le loisir de rencontrer à son exception, mais jamais une amitié ne s’était autant étalée sur le temps à tel point que tu ne te souvenais guère de moments où vous n’aviez pas été en contact. Les débuts de votre relation, tu t’en souvenais sans mal, quand ce n’était qu’une banale amitié avec tes bénéfices charnels apparents et agréables pour les deux partis, et aujourd’hui, cette amitié s’était véritablement fondée sur des valeurs communes que vous pouviez partagez, même si tu n’étais pas toujours en accord avec lui sur tout – ce qui était, à tes yeux, bien normal. Tout n’était pas toujours rose, tout n’était pas toujours sans disputes ni compromis mais tu essayais toujours d’être le plus flexible possible sur les sujets sensibles. Le premier étant clairement son compagnon que tu essayais le moins possible d’aborder car tu savais que la chose était épineuse. Bien sûr, tu étais là quand il y avait visiblement de l’eau dans le gaz et que la moutarde montait trop vite aux nez des deux énergumènes et que tu pouvais être un refuge pour la grande bête toute en écailles qui était ton ami, mais tu savais mieux que quiconque de ne pas trop approcher ce sujet qui rendait la créature un tantinet sur la défensive, pour peu que les mauvais mots étaient utilisés. Et puis, considérant que le dit compagnon te détestait, tu préférais largement passer à côté d’un sujet pareil, tu n’avais pas besoin de ressasser les raisons qui le poussaient à te haïr. Des raisons dont tu n’avais nullement conscience si ce n’est la jalousie évidente qui se dégageait du moindre de ses regards en ta direction. Un regard qui, en cette soirée, n’était visiblement pas uniquement tourné vers toi puisqu’il se tourna vers ton fils. Tu n’étais nullement au courant qu’ils puissent se connaître et même si d’apparence, tu t’en fichais pas mal, tu restais méfiant. Sascha avait beau avoir la confiance de ton ami, tu ne lui faisais pas particulièrement confiance pour qu’il soit aux côtés de ton fils. Mais tu savais mieux que de le couver, encore et encore, sur ce point-là, et tant que le vieux vampire ne faisait rien, tu n’avais nulle raison d’intervenir, même si tu te faisais une note mentale d’en parler à Ataroa, rien qu’un peu, même s’il allait probablement vaquer tes doutes et soupçons d’un revers de l’aile comme s’il ne s’agissait de rien et que, de toute façon, Cecil n’avait plus besoin de toi pour le couver. C’était vrai, mais tu ne pouvais pas t’en empêcher. Toutefois, tu résistais, même ce soir. Après tout, tu n’étais pas parti le rejoindre, et tu le laissais vaquer à d’autres occupations en esquivant l’inquiétude avec adresse.

Non, tu préférais te reconcentrer sur ton ami qui clamait son goût pour le spectacle et ses rares effusions de diva. Un charme certain, tu n’en doutais pas, qui te faisait doucement sourire quand il se mettait à faire ce genre de mouvements. Après tout, la créature avait tous les droits de se la jouer comme une diva, il avait la carrure et la beauté pour le faire, alors… Dans ce cas là, qui étais-tu pour l’en stopper ? Personne. Tu n’étais même pas sûr que son compagnon soit en position de faire quoi que ce soit pour stopper ces élans fantasques. « Effectivement. Ce n’est pas le premier, et sûrement pas le dernier, qu’il me sera donné l’occasion de voir. Toujours aussi impressionnant, ceci dit. Je me demande si tu n’en as pas effrayé quelques-uns dans le processus. » Tu avais cru apercevoir quelques figures se décaler à son passage et trouver refuge derrière d’autres personnalités monstrueuses. Tu ne savais pas s’il s’agissait là d’une admiration fulgurante sous couverte d’une peur légère ou s’il s’agissait bien là d’un effroi à l’idée de voir un véritable dragons faits d’écailles et d’ailes, de serres et de cornes, ce qui pouvait effectivement être effrayant quand on n’y était pas habitué, ce que tu voulais bien concevoir sans mal. Tu échappes un léger rire alors que les nasaux de la créature se pose sur ta joue, et tu tapotes doucement ses écailles ivoire de ta main en appuyant ta joue contre ses nasaux, un juste retour de ce que tu sais être une salutation particulièrement naturelle pour lui. Tu n’y es pas forcément habitué, mais après des années – que dis-tu, des siècles ! – à le côtoyer, tu as gardé les réflexes naturels de telles actions. « Penses-tu. Je ne suis pas vampire à refuser une invitation à une soirée, surtout pas quand je peux profiter d’aussi bons mets et d’aussi bons vins. Oh, j’ai d’ailleurs fait livrer une caisse d’une cuvée exceptionnelle que j’ai récemment découverte chez ton compagnon, tu m’en diras des nouvelles. » Tu étais un amateur de vin, et tu ADORAIS par-dessus tout partager tes découvertes avec ton ami ailé, et c’était pour ça que tu le faisais. Et tu savais, aussi, de sources presque sûres, que son compagnon était assez friand de vin, et même s’il était en train de te foudroyer des yeux, ça n’en changeait pas l’intention derrière. Tu soupiras doucement, à la remarque du dragon alors que tu attrapais une coupe de vin sur un serveur qui passait par là, tes lèvres trempant doucement dans le jus rougeâtre. « Tu sais… Ataroa… Je pourrais te dire oui, un jour, je pourrais. Mais l’heure n’est pas encore venue, j’en suis navré mon cher. Il va falloir, encore une fois, que tu te contentes de mes maigres flatteries. » Tu lui accordas un sourire entendu et amusé, sachant très bien qu’il ne s’agissait là que d’une blague qui n’avait ni de fin ni même de véritable début, quand tu y réfléchissais bien. Tu avais considéré l’idée, bien évidemment, surtout après tes morts, mais… Tu ne savais pas ce qui te repoussait autant dans l’idée de parvenir à rejoindre le clan. Peut-être ce sentiment d’appartenance à autre chose alors que tu avais déjà des responsabilités que tu essayais, tant bien que mal, d’éviter à jamais. Peut-être qu’un jour, tu abandonneras cette peur de la responsabilité qui te pesait sur les épaules, pour rejoindre une cause que tu aimais à défendre en secret. Tu remarquas, toutefois, le regard de ton compagnon ailé, cherchant visiblement son amant, ou du moins, vérifiant qu’il était bel et bien toujours à sa place. « Je suis surpris que tu ne sois pas allé saluer ton cher et tendre avant de te poser ici. » Tu soufflais, dans un ton un poil plus bas pour que lui seul t’entende tandis que du passage se faisait devant vous et que tu sirotais, doucement, ta coupe de vin.

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