Shoot and Ride !

Ah, cela faisait bien longtemps que tu n’avais pas eu à utiliser les épées et autres armes de ce genre d’allonge pour un combat. Comme tu le disais bien régulièrement, tu étais plus à l’aise avec le reste de ton corps, préférant éviter d’avoir à user quelque chose pour te battre, trouvant que les instruments qui étaient utilisés trop peu aisés à comprendre dans leur fonctionnement. Il était si rare de trouver l’arme parfaite pour se battre, l’épée avec la meilleure allonge, la lame qui correspondait au côté avantageux, la garde qui épousait avec perfection les formes de la main. C’était difficile et, encore aujourd’hui, tu avais bien du mal à trouver arme à ta main, l’arme parfaite qui animerait chacune de tes courbes avec l’aisance de l’artisanat parfait. Bien sûr, tes kukris habituels étaient ce qui se rapprochait le plus de ce que tu pouvais qualifier de perfection en termes d’armement, mais tu savais que tu étais encore loin de l’arme parfaite, celle qu’il te faudrait faire sur-mesure. Ce n’était même pas un problème de finances, sur ce point, mais plutôt un manque de temps et d’investissement que tu n’avais pas à consacrer pour telle chose, surtout que tu n’étais pas un fier combattant par habitude. Et maintenant que tu avais une lame entre les doigts, tu te rendais bien compte à quel point tes kukris te manquaient et à quel point tu aurais préféré user de tes lames naturelles. Toutefois, tu ne pouvais guère en faire usage pour l’heure, non. Ce n’était pas sûr, ce n’était pas une bonne idée, surtout avec les idées et images encore bien fraiches de ce qu’il s’était passé il y a de ça deux ans ici-même. Invoquer l’idée que tu sois un vampire n’était certainement pas une bonne idée, absolument pas. Cependant, tu ne pouvais manquer l’insatiable envie qui se glissait dans le creux de tes doigts, glissant le long de tes phalanges pour venir brûler tes ongles de cette envie désirante que de laisser la superbe de tes griffes se dévoiler dans toute sa splendeur, mais … Tu ne pouvais pas. Toutefois, cet exercice d’épéiste serait une très bonne anecdote à raconter à ta moitié quand tu allais rentrer plus tard, t’amusant d’ores et déjà de la réaction de celui qui partageait désormais ta vie en sachant qu’il avait probablement louper le moment sans égal de ta personne avec une épée, absolument pas taillé pour ton gabarit ni même pour ton habitude en tant que combattant. Oh, tu allais probablement être un peu rouillé, tu allais probablement manquer des coups, oublier des esquives et des parades, mais n’était-ce pas là tout le jeu ? Si, probablement. Et puis, il était peut-être temps pour toi que tu sortes un peu de ton confort de spectateur, mais si tu aurais pu aisément rester dans ce rôle en refusant ce duel qui allait probablement mettre à mal ta fierté de combattant. Pour ce qu’il en restait du moins.

Toutefois, tu adressais un sourire à la magicienne quand elle accepta cette règle du premier sang. C’était quelque chose de commun à bien des règles de combat, que ce soit dans ceux des rues ou ceux plus officieux, des combats qui ne cherchaient pas la mort mais la technique avant tout. En l’occurrence, c’était le cas ici. C’était un combat somme toute amical, qui n’avait comme enjeu que le plaisir de voir les compétences de l’autre et non pas de ridiculiser l’autre en ayant des compétences somme toutes plus élevées. Ainsi, tu adressais sans mal un nouveau sourire à la magicienne, une pointe d’amusement pétillant dans le creux de tes iris dissonants alors que tu te faisais, difficilement, à la lame qui était désormais dans ta main et que tu allais devoir manier avec un peu plus d’élégance que tout semblait pourtant le croire. « Oh, Malkha, tout de même… Je pensais que tu me connaissais suffisamment pour savoir que je ne faisais guère de différences de sexe quand il est question de combat. Surtout quand c’est la jeune demoiselle qui amène le duel. » Et c’était particulièrement vrai. Tu avais un véritable goût pour l’égalité, qu’elle soit dans le social ou dans d’autres domaines. En l’occurrence, pour le combat… Il t’était déjà arrivé de te prendre une belle mandale par une demoiselle alors que tu ne retenais pas tes coups. Ça t’avait fatalement calmé à l’idée de faire abstraction des coups, pour peu que tu en avais un jour eu l’envie. Toutefois, tu avais toujours cru en l’égalité des chances, si tu parvenais à faire abstraction du fait que tu ne faisais pas parti de l’espèce de la majorité de tes opposants, et que tu ne jouais pas justement sur cette différence. De toute façon, tu ne pouvais guère le faire, d’une certaine manière. Jouer de ta vitesse surhumaine reviendrait à attirer des soupçons, et pour ce qui était de tes autres « dons », c’était également t’enfoncer d’un pied dans la tombe et tu n’étais très clairement pas prêt à cela. Si tu pouvais avoir encore quelques belles années à vivre à Novigrad sans avoir l’impression d’avoir une cible sur ton dos parce que tu étais différent, tu en serais véritablement heureux. Après tout, tu avais suffisamment d’ennemis comme ça depuis que Francis Bedlam t’avait en ligne de mire puisque tu en savais trop, il n’était foutrement pas question de te rajouter des ennemis en plus, bien que tu pouvais aisément les tuer, mais ta conscience morale et éthique t’empêchant de faire cela, même si c’était pour ton propre bien d’une certaine manière. Tu avais appris, à tes dépends, que tuer n’était pas toujours la solution la plus idéale et c’était pour cette raison que tu essayais, maintenant, d’éviter les meurtres. Bien que, quand ton compagnon était clairement impliqué, tu n’allais probablement lésiner sur les cœurs arrachés et les carotides tranchées, mais ça… C’était une autre histoire à laquelle tu n’avais pas de solution si ce n’est un self-control que tu n’avais pas lorsqu’il était question de Faelan. Toutefois, tu devais rester concentrer, pour l’heure, et ne pas perdre ton attention dans des pensées qui demanderaient ton attention bien plus tard, ou du moins, pas tout de suite. Ta main se raffermit sur la garde de l’épée alors que tu observais, nonchalamment, la magicienne qui se mettait en garde, prête à en découdre avec toi. Tu entendais les chuchotis amusés de la part des divers chevaliers aux alentours, tandis que quelques gardes qui surveillaient l’arène s’apprêtaient à jeter des paris, la majorité misant sur toi et rien que pour le plaisir de leur rabattre le caquet, tu serais prêt à mettre au feu ta dignité pour laisser la jeune femme gagnée. Toutefois, il n’était pas l’heure non plus de te laisser avoir, d’autant plus que Malkha le saurait très bien si tu la laissais gagner et il n’était pas question de froisser son égo ni son amitié en sous-estimant ses capacités. Ainsi, tu te mettais également en garde, un bras légèrement tendu pour maintenir ton équilibre tandis que l’autre gardait l’épée croisée devant toi, comme une protection. Le premier coup, tu l’esquivas sans mal, le déviant à peine de ta lame, ta stature ne cillant que de peu mais tu savais très bien qu’un second coup n’allait pas tarder et tu le para sans trop de mal lui-aussi, l’ayant vu venir. Le troisième coup, toutefois, te poussa très légèrement à reculer pour ne pas subir le courroux de la lame de la magicienne et tu paras, de justesse, presque, le dernier coup qui plongea près de ton visage. Tu profitas de ce dernier t’approcher d’elle dans un mouvement offensif, ton pied s’avançant tandis que la lame venait fendre l’air à la diagonale une première fois, puis une seconde fois, dans le sens inverse, avec une autre diagonale qui se voulait parallèle et qui donnait parfois à voir des esquives et des parades possibles. Tu ne perdais nullement ton sourire, bien au contraire, et tu te déplaças légèrement sur le côté afin d’enchaîner sur un tranchant de lame horizontal, laissant les lames s’entrechoquer tandis que les pas que tu pratiquais s’apparentaient bien plus à une danse qu’à un combat à la loyal. Pourtant, dans ton esprit, le combat était comme une danse : plus on en maîtrisait les pas et les coutumes, plus il était aisé de voir cela comme un art à part entière qui se dessinait à deux et non seul. Tu profitas de ta dernière attaque pour reculer, très légèrement, reprenant une posture défensive, tandis que tes iris étaient figés sur la jeune femme, attendant les prochains mouvements tandis que le soleil venait taper sur vos figures, et qui, malgré ta peau halée, te donnait bien plus de fil à retordre que l’on ne pourrait le croire.

Shoot and Ride !

Peut-être que ta propension à croire qu’il n’y avait pas réellement de différences entre les deux sexes avait surpris la magicienne, et peut-être à raison. Du moins, l’idée que sa stature en tant que femme n’allait absolument pas t’empêcher de donner tout ce que tu pouvais avoir dans ce domaine. Le fait était, et ça, elle ne pouvait absolument pas le savoir pour l’heure, que tu ne venais pas d’ici, tes mœurs et ta façon de penser n’était pas forgée de la même perspective que celle des créatures qui avaient toujours vécues dans ce carcan patriarcal, où l’homme avait une certaine supériorité sur la femme, que ce soit d’un point de vue de l’intelligence ou de la force. Tu ne venais pas d’ici, tu n’y étais pas originaire et même si, à mesure des années, tu avais compris certaines de leurs idées, de leurs mœurs et autres coutumes idéologiques et tu en appliquais certaines par obligation, il en demeurait que ta perspective n’était pas humaine et était directement biaisé par l’éducation que tu avais eu dans ton monde natal. Les femmes, chez les vampires, n’étaient pas considérées comme inférieures, bien au contraire. Dans ton monde, une femme avait autant de poids qu’un homme dans les courses au pouvoir ou dans les luttes de force. Bien sûr, il y avait des différences qui s’amenaient, mais elles étaient purement physiologiques ou morphologiques mais ne découlaient nullement d’une idée visant à abaisser la femme au profit de l’homme. Dans ton clan, et de ce que tu t’en souvenais, il y avait de nombreuses femmes qui faisaient partie des corps supérieurs de la hiérarchie tout comme il y avait énormément d’héroïnes dans les balades qui étaient chantés aux enfants. Il n’y avait pas cette idée que la femme était moins capable qu’un homme juste par son statut de femme. Tu n’avais pas véritablement compris, encore, le pourquoi de cette idée dans ce monde, pourquoi l’homme s’ennuyait à chercher des prétextes et des excuses quand, au final, tout était question de compétences et de stature. Toutefois, c’était ainsi, et en tant que spectateur, il n’était pas de ton devoir d’essayer de bouger les choses sur ce point-là, surtout que tu t’en savais foncièrement incapable à ton échelle. Tu avais vu le sexisme proéminent en travaillant avec Francis Bedlam qui ne se gênait pas d’abuser des magiciennes qu’il avait sous son aile, ou même encore des vices et déboires avérés de Cyprian Willey. Mais rien ne demandait d’être proche des éminences politiques pour voir ce genre de comportements qui semblaient être plus de l’ordre du commun qu’autre chose, il suffisait juste de se balader pour voir les divers comportements dérangés. Une grande différence qui, à bien des échelles, t’avait marqué par la véracité de ce combat qui semblait, malgré tout, perdu et voué à rester une terrible punition dans ce monde. C’était triste, sans nul doute.

Toutefois, il en était de même des magiciennes. Pourquoi une magicienne aurait moins de chances qu’une épéiste pour battre un dit épéiste ? Il n’y avait aucune raison valable sur le point fondamental du sexe ou du genre. Tout était, là encore, une question de compétences et de vécu. Tu pouvais, et c’était possible, très bien te retrouver fesses par terre si la magicienne avait sous-estimé ces qualités d’épéiste et que tu avais surestimé les tiennes. Tu ne pensais pas l’avoir fait, ceci dit, mais tu n’étais pas à l’abri que la magicienne réussisse à te mettre par terre en quelques mouvements habiles et tu demandais véritablement à voir ce dont elle était capable car c’était là tout l’enjeu, s’il y en avait bel et bien un. A tes yeux, il n’y en avait pas, si ce n’est celui de voir les capacités d’une magicienne avec une épée dans la main, et de passer le temps qu’il vous était accordé. Tes capacités étaient telles que tu te battais comme tu l’aurais fait avec tes griffes ou avec tes dagues, avec ce besoin de proximité et une allonge bien médiocre du fait que tu ne savais guère comment en faire usage. Toutefois, tu devais bien avouer que la magicienne savait se défendre, et avec panache, n’oubliant nullement la question de la posture et des appuis qu’elle semblait garder en tout temps. Ainsi, c’est avec un sourire que tu répondis à ses remarques, gardant ton attention focalisée sur elle, tes doigts enroulés autour de la garde se serrant alors qu’elle venait abattre un coup en diagonal que tu paras sans mal tout en réussissant, un peu maladroitement, à dévier la seconde lame qui voulut s’abattre sur toi. Toutefois, la troisième pique qu’elle lança fut celle qui toucha ta chemise, par manque de vitesse de ta part. Après tout, tu ne pouvais guère utiliser ta vitesse inhumaine, par soucis d’égalité des chances. Tu te reculas alors quelque peu, observant ta chemise pour voir qu’il n’y avait aucune trace de sang. Alors le jeu continuait, et tu lui adressais un sourire. « Je remarque que tu sais plus que manier une épée, tu maîtrises aisément l’escrime, de ce que je peux constater. » Tu lui lanças, un sourire sur les lèvres qui dévoilait très légèrement un de tes crocs tandis que tu t’amusais à faire un nouveau pas de côté, comme pour encercler la magicienne bien que tu ne pouvais pas le faire, pour des raisons purement physiques. « Toutefois... Je n’ai pas sous-estimé mes compétences. Je me bats comme s’il s’agissait de dagues et je suis bien incapable d’user de l’allonge que me donne cette épée. » Après tout, tu étais un maître du contact, n’ayant jamais véritablement appris à respecter la distance entre deux adversaires, préférant aller au corps à corps directement puisque tu savais que ta peau était résistante à tout ce qui pouvait être armes blanches. La magie ? Tu y étais bien plus sensible, mais les armes ? Ta peau était somme toute résistante, similaire à ce que l’on pouvait comprendre comme des écailles d’acier, difficilement percée si ce n’est avec les armes adéquates empruntes d’argent ou de dimeritium, mais là encore… Ce n’était généralement que des blessures superficielles qui disparaissaient en quelques minutes au vu de ta régénération vampirique. Cependant, malgré que la réflexion fût quelque chose que tu aimais à faire, tu avais encore une magicienne à mettre au tapis. Ainsi, tu te rapprochas quelque peu, dans un pas offensif, ton aura naturelle de dominant ressortant malgré toi, et tu lanças ton bras dans une courbe qui se voulait en hauteur pour toucher la zone supérieure quand finalement, la lame glissa naturellement au niveau des jambes de la magicienne dans une courbe horizontale. A l’aide d’un nouveau pas de côté, tu t’essayas à une nouvelle diagonale, dirigée vers les bras de Malkha, dans l’espoir de la désarmer plus que de la blesser tandis que ton dernier coup se voulut vertical, dans son dos, après avoir démarché pour te retrouver dans cette position. Oh, tu ne doutais pas que la magicienne serait capable d’esquiver chacune de tes attaques mais… Quand tu étais parfaitement humain, tu devais avouer que tu ne pouvais absolument pas donner de ton meilleur et de ta superbe. Ceci dit, c’était le jeu.